Jean Lèques « le dernier des géants »

Jean Lèques « le dernier des géants »

03 juin 2022

Politique

Le 28 mai 1999, le premier gouvernement collégial de la Nouvelle-Calédonie, réuni autour du président Jean Lèques, est élu par le Congrès.

Le 28 mai 1999, le premier gouvernement collégial de la Nouvelle-Calédonie, réuni autour du président Jean Lèques, est élu par le Congrès.

L’ancien premier édile de Nouméa et président du premier gouvernement de la Nouvelle-Calédonie est décédé, mercredi 1er juin, à l’âge de 90 ans. Acteur et témoin privilégié de l’histoire de la Nouvelle-Calédonie, sa disparition a suscité de nombreuses réactions, autant des personnalités politiques  que des institutions. Tous ont tenu à saluer son immense carrière et son engagement profond pour l'entente entre tous.

Ce vendredi matin, tous les drapeaux ont été mis en berne sur les bâtiments institutionnels de la ville de Nouméa, et les autorités du pays, se sont retrouvées dans la salle d’honneur de la mairie pour rendre un vibrant hommage au « dernier des géants ». Sa disparition à 90 ans marque « la fin de l’un des derniers grands témoins d’une époque », a indiqué le président du Congrès Roch Wamytan. L’ancien maire de Nouméa de 1986 à 2014, a durablement marqué la capitale de son empreinte. « Qui mieux que lui ou plus que lui pouvait incarner Nouméa ? Je n’ai jamais vu une telle fusion entre un homme et une ville », s’est rappelé le député Philippe Gomès. « Sa bienveillance, sa mémoire extraordinaire et ses talents d'orateur » ont également marqué le membre du gouvernement Thierry Santa. Celui qui sillonnait les rues de sa ville à la rencontre de ses administrés et que tous les Calédoniens nommaient affectueusement « Fifils » a donné à Nouméa le visage qu'on lui connaît aujourd'hui.

Homme de consensus

Autre trait de personnalité : la volonté de rechercher le consensus le plus large possible. L’ex-militant de l’Union calédonienne, parti fonder son propre parti en 1971, le Mouvement libéral calédonien, a participé à toutes les discussions sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Présent à la table ronde de Nainville-les-Roches en 1983, signataire des accords de Matignon-Oudinot, puis de l’accord de Nouméa, il était animé par les « valeurs humaines de la République et reconnaissait volontiers les valeurs coutumières même s’il lui arrivait de ne pas être toujours d’accord », a précisé Roch Wamytan. Fervent catholique, son engagement en politique était indissociable de sa foi et de ses valeurs calquées sur la doctrine sociale de l'Église.

Premier président du gouvernement

Élu pour la première fois à l’Assemblée territoriale (rebaptisée Congrès du territoire, puis Congrès de la Nouvelle-Calédonie en 1999) en juillet 1967, Jean Lèques a tout présidé ou presque, pendant les quatre décennies suivantes : l’Assemblée territoriale à quatre reprises entre 1970 et 1985, la région Sud de 1985 à 1986, et enfin le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, de 1999 à 2001. Premier à présider à la destinée du gouvernement collégial, institution nouvelle et unique issue de l’accord de Nouméa signé en 1998, « il a bien tenu la barre, même s’il lui a fallu de la patience et de l’autorité », a précisé Philippe Gomès. Pendant son mandat, il a notamment initié le début du chantier des transferts de compétences et la signature du pacte social avec les partenaires sociaux en 2000, qui a permis au smic d’atteindre les 100 000 francs.

Un hommage exceptionnel

Maire honoraire de Nouméa depuis 2014, Jean Lèques avait été élevé au rang de grand officier de la Légion d’honneur par le président de la République Emmanuel Macron, qui lui avait remis cette décoration en mai 2018, lors d’un déplacement à Nouméa. L'un de ses derniers engagements politiques a été la présidence d'un Comité des sages, mis en place par l'ancien premier ministre Edouard Philippe, pour veiller à la bonne tenue de la campagne du premier référendum sur l'indépendance en 2018. Il n’y a pas de doutes, pour Philippe Gomès, «  les Calédoniens ne sont pas prêts d’oublier Jean Lèques ». « J’espère que son modèle nous aidera à préparer un pays à la hauteur de sa mémoire, un pays où nous serons tous en paix », a conclu son fils, Pierre-Henri Lèques.