Le référendum au menu de l’Onu

Le référendum au menu de l’Onu

13 mars 2018

Politique Relations extérieures

Représentants de l’ONU et membres du gouvernement collégial devant le Préambule de l’Accord de Nouméa.

Représentants de l’ONU et membres du gouvernement collégial devant le Préambule de l’Accord de Nouméa.

Ce 12 mars, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a reçu en réunion de collégialité le comité spécial sur la décolonisation de l’Onu, appelé aussi Comité des 24. Une rencontre qui a permis de préciser certains points relatifs au scrutin de novembre, voire de rassurer les envoyés spéciaux des Nations Unies.

Conformément aux engagements pris lors du comité des signataires du 2 novembre dernier, la Nouvelle-Calédonie accueillait ce lundi une délégation du Comité des 24. Une deuxième visite, après celle de mars 2014. L’objectif de la rencontre était de répondre aux questions, voire aux inquiétudes, des émissaires de l’Onu.

Après présentations des deux délégations – Philippe Germain, Jean-Louis d’Anglebermes, Valentine Eurisouké, Cynthia Ligeard, Bernard Deladrière et Didier Poidyaliwane pour le gouvernement collégial –, le président Germain a insisté sur la « volonté politique unanime d’organiser un référendum qui se déroule dans les meilleures conditions possibles et de s’assurer que tous les Calédoniens ayant le droit de s’exprimer puissent le faire ». Il a expliqué à ses interlocuteurs que les croisements de plusieurs fichiers avaient permis de dénombrer 7 000 personnes relevant du statut civil coutumier et 4 000 du statut de droit commun qui ne figuraient pas sur les listes électorales. Autant d’électeurs potentiels qui, suite à la modification de la loi organique, seront inscrits automatiquement.

Pour Bernard Deladrière, le scrutin d’autodétermination marque « la fin du processus de décolonisation et de l’Accord de Nouméa ». Selon lui, les différents chapitres de l’accord du 5 mai 1998 ont tous été respectés : la reconnaissance de l’identité kanak, la composition d’un gouvernement collégial, les compétences transférées les unes après les autres, etc. « Au peuple calédonien de trancher démocratiquement à présent. Il nous faut tourner cette page et mobiliser nos forces pour se consacrer aux tâches essentielles : créer les conditions du destin commun, bâtir une véritable citoyenneté, régler les problèmes d’inégalités sociales. »

Une consultation transparente, sincère et incontestable

Alors que Valentine Eurisouké encourage brièvement l’État à « respecter son rôle de partenaire neutre dans un processus de coopération constructive » et que Didier Poidyaliwane rappelle que l’identité kanak, en plein mouvement, recherche « le bon curseur entre modernité et préservation des valeurs », Cynthia Ligeard, se positionne comme « une femme calédonienne devenue adulte avec les accords de paix ». « Le défi a consisté à nous reparler. Aujourd’hui, nous avons tous la même ambition pour la Nouvelle-Calédonie. Mais comment partager cela avec la génération qui nous suit ? Comment faire entendre à celles et ceux qui n’ont rien connu d’autre que ces 30 ans de paix, que l’avenir leur appartient ? »

Jean-Louis d’Anglebermes, enfin, indique aux membres du comité spécial que toutes les fois où il s’est rendu à la tribune de l’Onu, à la demande du président Germain, le contenu de ses interventions a été validé par l’ensemble des membres du gouvernement. « Et au cours des différentes rencontres bilatérales, j’ai toujours insisté sur la nécessité d’avoir en 2018 une consultation transparente, sincère et incontestable dans les résultats. »

Travail d’information insuffisant

De l’autre côté de la table ovale de la salle des délibérations, le Papou Fred Sarufa se dit « ravi du chemin parcouru depuis mars 2014, de l’atmosphère positive, du dialogue de très grande valeur » qui s’est instauré entre responsables politiques calédoniens et représentants des Nations Unies. Le chef de la délégation, le Cubain Humberto Rivero Rosario, s’interroge néanmoins. Les Calédoniens voteront-ils en toute connaissance de cause ? Sont-ils suffisamment sensibilisés sur les enjeux du scrutin ? Sur les possibles lendemains qui déchantent ? « Trente ans que la vie en Calédonie est rythmée par la question de rester dans la France ou de s’en émanciper », note Jean-Louis d’Anglebermes qui reconnaît pourtant que les politiques ont souvent négligé le travail de pédagogie auprès de la population. De son côté, Bernard Deladrière estime les Calédoniens insuffisamment informés des conséquences de leur vote, notamment en cas d’accession à la “pleine souveraineté”, un concept encore bien flou pour l’immense majorité des gens.

L’exemple colombien d’une pédagogie pour la paix

Philippe Germain conclut les échanges en rappelant que des bureaux décentralisés ont été ouverts sur Nouméa pour les personnes inscrites aux Îles mais vivant dans la capitale, qu’il y aura des bureaux de vote dans presque toutes les tribus, que le temps de parole sera partagé de manière équitable entre les deux camps, et qu’un comité des sages veillera à la bonne tenue de la campagne.  Le président du gouvernement fait référence à l’exemple colombien d’une pédagogie pour la paix : « L’idéal serait que nous puissions proposer une déclaration commune avant le scrutin, indépendantistes et non-indépendantistes, pour dire avant tout que nous sommes Calédoniens, engagés sur le chemin du destin commun, et que le choix statutaire qui nous divise ne doit en aucun cas couper en deux la population et notre pays ».

Philippe Germain avec Savitri Indah Nuria (Indonésie) et Fred Sarufa (PNG).

Philippe Germain avec Savitri Indah Nuria (Indonésie) et Fred Sarufa (PNG).

 

Avec le chef de la délégation onusienne, le Cubain Humberto Rivero Rosario.

Avec le chef de la délégation onusienne, le Cubain Humberto Rivero Rosario.

 

Chargé du suivi du processus de décolonisation
Créé en 1961 par une résolution de l’Assemblée générale, le comité de décolonisation de l’ONU est chargé de s’assurer de la bonne application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux du 14 décembre 1960. Il assure un suivi du processus de décolonisation d’un certain nombre de territoires non autonomes. À cet égard, il peut prendre des résolutions pour constater l’avancement de ce processus ou faire des recommandations pour l’améliorer. Le 2 décembre 1986, l’Assemblée générale a inscrit la Nouvelle-Calédonie sur la liste des territoires à décoloniser. Depuis lors, elle est suivie par le Comité des 24.

Composition du Comité des 24
Venu en Nouvelle-Calédonie sur invitation de la France, le comité spécial sur la décolonisation est composé de cinq personnes :

- Humberto Rivero Rosario, vice-président du comité de décolonisation, ambassadeur, représentation permanente de Cuba auprès des Nations Unies, chef de la délégation.

- Fred Sarufa, ministre, représentant permanent adjoint, représentation permanente de la Papouasie-Nouvelle-Guinée auprès des Nations Unies.

- Mohammed Sahib Mejid Marzooq, représentant permanent adjoint, représentation permanente de l'Irak auprès des Nations Unies

- Savitri Indah Nuria, première secrétaire, représentation permanente de l'Indonésie auprès des Nations Unies.

- Mohammed Qasim Karem Karem, deuxième secrétaire, représentation permanente de l'Irak auprès des Nations Unies.

Deux agents du secrétariat général des Nations Unies les accompagnent :

- Josiane Ambiehl, chef de l'unité de décolonisation, département des affaires politiques des Nations Unies

- Kawamoto Kazumi, chargée des affaires politiques, unité de décolonisation, département des affaires politiques des Nations Unies

Au cours de leur séjour, les membres du Comité des 24 doivent se rendre dans les trois provinces à la rencontre des différentes institutions calédoniennes.

 

 

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