Le feu pour combattre le feu

Le feu pour combattre le feu

02 août 2022

Sécurité et prévention

Les pompiers stagiaires ont expérimenté la technique du « feu tactique ».

Les pompiers stagiaires ont expérimenté la technique du « feu tactique ».

« Le feu tactique », une méthode traditionnelle de lutte contre les incendies, sans eau, a fait l’objet d’une formation organisée par la direction de la sécurité civile et de la gestion des risques (DSCGR), du 25 au 29 juillet à Boulouparis.

La Nouvelle-Calédonie subit chaque année les ravages des « feux de brousse » qui détruisent des milliers d’hectares et fragilisent l’écosystème. Consciente des enjeux environnementaux des incendies, la direction de la sécurité civile et de la gestion des risques (DSCGR) a souhaité compléter son dispositif de lutte traditionnelle en créant des unités spécialisées dans la lutte des feux par le feu. Combattre les flammes par les flammes, la méthode peut sembler surprenante. Pourtant, cette technique ancienne,  communément appelée, dans le jargon des sapeurs-pompiers « feu tactique », a fait ses preuves.

Former les soldats du feu

Le « feu tactique » a fait l’objet d’une formation organisée par la DSCGR, sous la direction du capitaine Olivier Cyprien, conseiller technique feux forêts et feux tactiques de la DSCGR. Seize sapeurs-pompiers issus de plusieurs centres de secours, y ont participé, du 25 au 29 juillet dernier, dans la vallée de Ouitchambo, à Boulouparis. Huit pompiers de la brigade provinciale forestière de la province Sud ont complété les effectifs et profité de l’occasion pour parfaire leurs compétences dans la lutte de feux naissants (-10 m²). L’unité drone de la sécurité civile a, quant à elle, assuré la sécurité des chantiers de brûlage.

 

Durant cinq jours, les stagiaires ont été mis à rude épreuve, tant physiquement que nerveusement. Cette technique ancestrale bien connue du monde kanak, nécessite la plus grande vigilance, et une excellente connaissance du feu. L’usage du feu pour combattre le feu exige en effet de prendre en compte la sécurité des intervenants, les conditions météorologiques (direction et vitesse du vent) tout autant que l’environnement naturel (relief et types de végétaux). L’objectif étant de rester toujours maître du feu et de garder le contrôle sur sa progression.

Organisée avec l’accord des propriétaires fonciers, ce sont plus de trois hectares de pare- feu qui ont ainsi pu être créés pendant cette formation.

L’efficacité d’une méthode ancestrale

Le principe de la technique des feux tactiques consiste à brûler des zones de végétation, créant ainsi des pare-feu, sortes de barrières naturelles qui permettent d’éviter la propagation d’un incendie en éliminant la biomasse combustible.

Cette technique de lutte lorsqu’elle peut être mise en œuvre, s’avère très efficace pour faire face à tout type de front de feu, même à fort potentiel calorifique. Elle permet de générer une importante économie d’eau mais aussi de moyens, tant humains que matériels. Etant donné sa rapidité d’exécution, le feu tactique est praticable de jour comme de nuit, également dans des zones inaccessibles aux engins de lutte terrestre. Le capitaine Olivier Cyprien est « convaincu de la plus-value opérationnelle de l'emploi de ces techniques par les sapeurs-pompiers formés aux contre-feux et brûlage tactique. En effet, lors de la lutte nous pourrons concentrer les moyens terrestres et aériens sur d'autres feux en espaces naturels ».

L’usage du feu a toujours existé comme technique d’extinction des incendies de forêt.

Les sapeurs-pompiers y ont recours, de façon régulière, dans plusieurs pays, dont l’Espagne, le Portugal, les États-Unis, l’Australie, et en métropole, comme lors du grand feu de forêt qui a ravagé 20 600 hectares en Gironde en juillet dernier.

Les participants à la formation « équipiers feux tactique ».

Les participants à la formation « équipiers feux tactique ».

 

 

Confortés par un cadre législatif

Ces méthodes, longtemps pratiquées dans l’ombre en Nouvelle-Calédonie, ont depuis peu, trouvé un cadre législatif, avec l’inscription des feux tactiques dans la loi de modernisation de la sécurité civile du 13 août 2004. Il est mentionné dans les dispositions spécifiques que « le commandant des opérations de secours peut, même en absence d’autorisation du propriétaire ou de ses ayants droit, pour les nécessités de la lutte contre l’incendie, recourir à des feux tactiques ».

Le gouvernement a en outre adopté en 2021 un arrêté fixant la formation et les emplois des équipiers et des cadres feux tactiques sapeurs-pompiers, confortant cette spécialité en Nouvelle-Calédonie.

Pour le capitaine Olivier Cyprien, « cette formation est une réussite et doit être pérennisée par la formation des cadres feux tactiques prévue au mois d’octobre 2022 ». 

 

La technique de feux tactiques
 

L’appellation feux tactiques désigne les deux méthodes d’emploi du feu dans le cadre de la lutte contre les incendies de forêt : le contre-feu et le brûlage tactique.

Le contre-feu consiste à allumer un feu à l’avant d’un front de feu au cours d’un incendie, le long d’une zone d’appui pour supprimer du combustible par le feu. Le contre-feu se développe alors en direction de l’incendie, laissant derrière lui une zone brûlée qui sera contrôlée par des moyens de lutte. À la rencontre du contre-feu et de l’incendie, faute de combustible, l’incendie s’éteint.

Le brûlage tactique consiste, par un allumage le long d’une zone d’appui, à canaliser le flanc d’un incendie pour le réduire, ou bien, à terminer l’extinction d’une lisière qui présente des risques de reprise, ou bien encore à créer en situation menaçante une zone refuge pour mettre en sécurité du personnel. Ces méthodes de lutte sont totalement complémentaires les unes des autres et peuvent être utiles dans certaines situations opérationnelles.

 

 

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