Un statut dans les filets des patrons pêcheurs

Un statut dans les filets des patrons pêcheurs

14 novembre 2018

Économie Agriculture

De gauche à droite : Thierry Canteri, Abel Cica, Nicolas Metzdorf et Christophe Pierron.

De gauche à droite : Thierry Canteri, Abel Cica, Nicolas Metzdorf et Christophe Pierron.

À la demande de la Confédération des pêcheurs de Nouvelle-Calédonie, le gouvernement et la direction des Affaires maritimes ont planché sur la rédaction d’un statut pour les patrons pêcheurs. En charge du secteur au gouvernement, Nicolas Metzdorf présentait le 14 novembre les grandes lignes de cet avant-projet de loi du pays.

 

« Aussi absurde que cela puisse paraître, en Nouvelle-Calédonie, île du Pacifique entourée d’un lagon et d’un océan, les pêcheurs n’avaient pas de statut ! Et ils commençaient à se montrer impatients… », lance d’emblée Nicolas Metzdorf. Alors, durant plusieurs mois, sous la tutelle de la direction des Affaires maritimes et en concertation étroite avec la profession, le membre du gouvernement en charge de ce secteur a travaillé sur des textes dessinant le statut des patrons pêcheurs et, plus largement, sur un avant-projet de loi du pays relatif à la pêche maritime, qui intègrera la définition d’un Code de la pêche.

« La Confédération des pêcheurs de Nouvelle-Calédonie, qui regroupe les fédérations des trois provinces, a été créée en 2009, indique Abel Cica, son président, pêcheur professionnel à Lifou. Et la rédaction d’un statut a toujours été la priorité de nos revendications. Aujourd’hui, le travail est en train d’aboutir. Ce projet va permettre de mieux nous organiser et nous structurer, mais surtout de faire évoluer la filière. C’est essentiel pour nous, mais aussi pour les jeunes générations, pas du tout intéressées pour le moment, qui pourraient ainsi se fixer, sans dépendre tout le temps de Nouméa ».

Pas de « statut cocotier » !

Président du Syndicat des pêcheurs de la province Sud, le patron pêcheur Christophe Pierron se félicite aussi des textes en passe d’être votés : « Ça fait des années qu’on demande à être reconnus. Jusqu’à présent on était considérés comme des agriculteurs (au niveau de la Cafat, du Ridet…), mais sans les avantages. Aujourd’hui, la profession est en passe d’être reconnue, après avoir fait les choses dans les règles, de manière professionnelle ». Car, précise-t-il, « on ne voulait pas de statut cocotier ».

Abel Cica insiste sur les contours d’un « vrai statut pour les vrais professionnels ». À le croire, la filière a trop souffert par le passé de « bricolage ». Plus d’un pêcheur occasionnel, du dimanche, ou à la double activité, a nui à la profession. Aux Îles, des projets ou des aides ont fini par capoter. Et la province a parfois eu tendance à mettre dans le même épervier vrais professionnels et pêcheurs “amateurs”. « Au détriment de la filière qui n’avançait pas. » Confirmation de Nicolas Metzdorf qui explique que « ce statut permettra de différencier les vrais pêcheurs qui respectent la réglementation de ceux qui sont un peu “border line” ».

« Les orphelins des chambres consulaires »

Un statut, oui, très bien, mais quelle structure prendra-t-elle sous son aile les patrons pêcheurs ? « Ce sont les orphelins des chambres consulaires, poursuit Nicolas Metzdorf. Aucune des trois ne veut les accueillir. Pourtant, si on veut valoriser l’économie bleue, il faut bien s’occuper des hommes ». Alors, chambre consulaire ? Établissement public dédié aux pêcheurs ? À voir, plus tard. Il faudra aussi, pour faire tourner les bateaux, des pêcheurs qualifiés. « Nous devrons identifier une offre de formation la plus adaptée aux besoins. » Autre point, à éclaircir ultérieurement, ce nouveau statut devrait ouvrir à ses titulaires des droits particuliers, des avantages fiscaux par exemple.

« Il est important qu’une filière pêche au niveau pays se structure et se professionnalise, pour des raisons économiques, mais aussi pour la protection et la gestion des ressources, affirme Thierry Canteri, nouveau directeur des Affaires maritimes. Aujourd’hui on pose la première pierre d’un édifice qui grandira au fil des années ». Après avoir reçu un accueil favorable ce 13 novembre en collégialité, l’avant-projet de loi du pays figurera à l’ordre du jour de la prochaine réunion du gouvernement. Avant l’aller retour au Conseil d’État, puis le dépôt du texte sur le bureau du Congrès.

Pour obtenir sa carte professionnelle

Le nombre de personnes qui seraient éligibles au statut de patron pêcheur est évalué à 150 dans un premier temps, puis, sur le moyen terme, à 300. Il sera attribué par arrêté du gouvernement et matérialisé par la délivrance d'une carte professionnelle nominative. Quatre conditions cumulatives régiront l’obtention de cette carte : le permis de navigation, l’autorisation de pêche délivrée soit par la province (pêche lagonaire) soit par la Nouvelle-Calédonie (pêche hauturière), une déclaration de revenus et un justificatif d’inscription au répertoire d’identification des entreprises (Ridet).

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Vers un Code de la pêche

Le futur Code de la pêche permettra de compiler les règles liées aux compétences de la Nouvelle- Calédonie, qui s’appliquent aux pêcheurs professionnels, notamment le droit du travail et la formation professionnelle, 
le droit fiscal, 
l’immatriculation des navires et la sécurité maritime, 
la protection sociale, 
la règlementation des prix et l’organisation des marchés.

L’avant-projet de loi du pays prévoit également la création d’un Conseil supérieur d’orientation des politiques halieutiques, aquacoles et halio-alimentaires, composé de représentants du gouvernement, des provinces et des professionnels. Sa composition et ses missions seront fixées par une délibération. 
Cet organe, fondé sur la concertation, permettra d’élaborer et d’améliorer les politiques publiques du secteur. 


Quelques chiffres

Quelque 879 tonnes de poissons sont pêchées chaque année par les 500 pêcheurs côtiers professionnels de la Grande Terre et des Îles, pour un chiffre d’affaires annuel de 500 millions de francs (données 2016). Avec plus de 510 tonnes par an, les poissons récifaux lagonaires constituent l'essentiel des captures, suivis par les holothuries (237 t), les crustacés (66 t), les poissons pélagiques (18 t), les poissons profonds (30 t)…

Environ 50 % des pêcheurs exercent en province Nord, 25 % dans le Sud et autant aux Loyauté. Le Sud concentre 51 % des captures, le Nord 43 % et les Îles seulement 6 %.

Adoptée par le Congrès en janvier 2016, la loi du pays sur le statut des gens de mer concerne les seuls marins pêcheurs et les règles de sécurité à bord d’un navire. Rien à voir avec le statut des patrons pêcheurs.

Adoptée par le Congrès en janvier 2016, la loi du pays sur le statut des gens de mer concerne les seuls marins pêcheurs et les règles de sécurité à bord d’un navire. Rien à voir avec le statut des patrons pêcheurs.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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