Comment sauvegarder notre système de santé

Comment sauvegarder notre système de santé

03 avril 2017

Santé et social

Valentine Eurisouké, en charge de la santé au gouvernement, entourée d'une partie des coordinateurs du plan Do Kamo.

Valentine Eurisouké, en charge de la santé au gouvernement, entourée d'une partie des coordinateurs du plan Do Kamo.

Membre du gouvernement en charge notamment de la santé, Valentine Eurisouké a présenté vendredi 31 mars l’avancement du plan Do Kamo. Aujourd’hui, l’urgence consiste à parvenir à pérenniser notre système de santé, donc à économiser sur les dépenses tout en cherchant des recettes nouvelles, afin d’assurer son financement. Un remède : l'amélioration de la santé des Calédoniens.

« Notre système de santé est performant, mais il nous coûte de plus en plus cher, annonce Valentine Eurisouké. Il faudra impérativement faire des choix pour parvenir à le réformer. Et le travail de promotion – éducation à la bonne santé à l’école, épanouissement à chaque étape de la vie, environnement alimentaire plus favorable… – ne suffira pas. Il faudra faire des centaines de millions d’économies. En augmentant la fiscalité ? Les cotisations sociales ?… ».

Des trois commandes formulées lors du premier comité de pilotage du plan Do Kamo en avril 2016 – les deux autres concernent la prévention des comportements à risques et la promotion de la santé communautaire –, la pérennisation du système est celle qui présente le principal caractère d’urgence. Accompagnés par le cabinet conseil du macro-économiste Olivier Sudrie, professionnels du secteur, institutions, établissements de santé, caisses… se retrouvent ainsi au sein d’un groupe de travail qui se réunit deux fois par mois autour de cet axe prioritaire : comment maîtriser la dépense ? En parallèle, d’autres groupes ont été créés, notamment sur la thématique d’un numéro de santé unique (NCS) et la rédaction d’un code de santé publique calédonien.

Responsabilisation collective

« Nous sommes aujourd’hui confrontés à l’impérieuse nécessité de maîtriser les dépenses avant de penser à des recettes nouvelles, affirme le Dr Philippe Bedon, économiste de la santé qui évoque une « longue course à handicap » et en appelle à la « responsabilisation collective de tous les Calédoniens à travers leurs comportements – fumer et boire moins, faire davantage d’exercices physiques, ne consulter que si nécessaire… – mais aussi de l’ensemble des professionnels, afin de partager l’effort ».

Certaines concertations commencent à porter leurs fruits, à l’image du travail effectué avec les pharmaciens et les biologistes. « Il est assez exemplaire de l’esprit de Do Kamo, précise Jean-Alain Course, directeur de la direction des Affaires sanitaires et sociales (DASS), puisque nous avons retenu la méthode préconisée par les pharmaciens – plus le volume de médicaments sera important, plus le prix sera bas – qui permet de concilier maîtrise des coûts et maintien du nombre d’officines dans des espaces où la population est peu importante ».

La santé au cœur des politiques publiques

Autre fil directeur, essentiel aux yeux de Claude Gambey, en charge du plan Do Kamo au gouvernement, la nécessité d’une approche transversale, intersectorielle : « La santé doit être au cœur des politiques publiques, en matière d’éducation, d’habitat, de sport, de transports… et devenir un objectif commun. Tout le monde a à y gagner ». De quoi permettre de faire émerger à terme un « modèle de santé soutenable, équitable et durable », objectif fléché par la délibération relative au « plan Do Kamo, l’Être épanoui », adoptée à l’unanimité par le Congrès en mars 2016.

 

Olivier Sudrie, macroéconomiste

« La meilleure façon de ne pas dépenser, c’est d’être en bonne santé »

« Lorsqu’on regarde l’ensemble des dépenses publiques de la Nouvelle-Calédonie, on constate qu’elles ne sont pas hors normes mais à la hauteur de notre développement économique, qu’on ne jette pas l’argent par la fenêtre. Les dépenses de santé s’élèvent à environ 400 000 F par an et par Calédonien, ce qui n’est pas extravagant. Si on est arrivé à ce niveau de dépenses, c’est qu’on a pu historiquement les financer sur nos ressources. Mais la chute de la croissance a brisé nos rêves. Les dépenses de santé ont continué de progresser (elles ont doublé en dix ans, passant de 50 milliards de francs en 2004 à 100 milliards en 2014), alors que les recettes augmentaient mais moins vite. Le système économique s’est épuisé, les moteurs qui nous ont permis de bénéficier d’une croissance à 5 ou 6 % se sont tous éteints et ne se rallumeront pas. Il faut donc changer notre modèle économique, et ajuster les dépenses, faute de pouvoir augmenter les recettes. Sinon ce sera l’enfer et nous serons obligés de prélever toujours plus. Il nous faut aujourd’hui agir dans l’urgence, comme chaque fois que la situation est paroxystique, faire de la “médecine de guerre”, “amputer à vif”. Des groupes de travail réfléchissent à des mesures à court terme, il  faudra aussi rénover notre système financier de protection sociale, modernisation qui peut nous apporter des économies à la clé. Mais le levier n° 1 pour ajuster la dépense, c’est Do Kamo. Ce plan m’a énormément appris. Quitte à enfoncer des portes ouvertes, la meilleure façon de ne pas dépenser c’est effectivement d’être en bonne santé. Et là on a des progrès à faire. L’état de santé de la population calédonienne n’est pas mauvais, mais largement perfectible. Prenons un indicateur, l’espérance de vie qui se situe à 78 ans. On pourrait faire mieux – 81-82 ans – avec le même niveau de dépense. Deux Calédoniens sur trois se déclarent en bonne ou très bonne santé. Porter la proportion à trois sur quatre dans dix ans nous ferait réaliser 80 milliards d’économies, sans pour autant diminuer la qualité des soins. »

 

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Au menu du Copil

Le comité de pilotage Do Kamo qui s’est tenu le vendredi 31 mars dans l’hémicycle de la province Sud était essentiellement consacré à la réflexion menée par un groupe de travail en matière de réforme du modèle économique et de maîtrise des dépenses de santé. L’ordre du jour tournait autour de la soutenabilité financière de ces dépenses et de nouvelles modalités de financement de la protection sociale (cotisations, impôts directs et indirects…). Quelques chiffres d’abord : les dépenses courantes de santé représentent 50 % du total des dépenses sociales en Nouvelle-Calédonie, ce qui nous classe entre la Norvège et la Suisse, et 10,5 % du PIB, au même rang que la Belgique et le Danemark. Les spécialistes évaluent de 150 à 200 milliards de francs les économies à réaliser au cours des dix prochaines années. Comment ? En améliorant sur le moyen terme l’état de santé des habitants (la moitié du montant des économies) et en mettant en place, à court terme, des mesures d’urgence : comme une loi du pays sur le ticket modérateur applicable aux consultations, ou des taxes sur les produits néfastes à la santé (tabac, alcool, boissons sucrées…) ?

 

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Autour de la pharmacopée

Les autres groupes au travail planchent sur la prévention des conduites à risques, en priorisant la lutte contre l’obésité et les comportements addictifs, et sur la promotion de l’action de santé communautaire. Ce mois-ci, un atelier composé de tradipraticiens (médecine traditionnelle), de chercheurs, médecins, pharmaciens… sera constitué autour de la reconnaissance des patrimoines immatériels calédoniens, notamment la pharmacopée. Il a pour objectif de rédiger un outil technique et scientifique à l’attention des professionnels de santé, et un outil éducatif pour le grand public.