Une étude contre la lèpre du béton

Une étude contre la lèpre du béton

04 juin 2019

Économie

Les bordures de façade de cet immeuble à Ducos Industriel sont déjà bien attaquées par la maladie.

Les bordures de façade de cet immeuble à Ducos Industriel sont déjà bien attaquées par la maladie.

Accompagnée par le gouvernement, la Fédération calédonienne du bâtiment et des travaux publics (FCBTP) lance une étude d’ampleur destinée à expliquer scientifiquement la désagrégation prématurée du béton. Et à lutter contre une “pathologie” liée à la zéolite, un minéral présent dans les agrégats de certaines carrières.

 

Depuis plus de dix ans, la désagrégation prématurée et irréversible des bétons fait partie des « pathologies du bâtiment les plus emblématiques et coûteuses », affirme Benoît Meunier, représentant de la FCBTP. Si le phénomène n’est pas endémique à la Nouvelle-Calédonie, il n’est répertorié que dans de très peu de pays : Japon – qui aurait trouvé la parade –, Nouvelle-Zélande, Ukraine, Amérique latine… Les “désordres”, comme les appellent les pros du BTP, peuvent apparaître très vite et s’amplifier rapidement sans jamais s’arrêter : sur les bordures de trottoirs, les poteaux électriques, marches, jardinières, glissières de sécurité de la Savexpress et autres façades d’immeubles les plus exposées. On parle alors de « béton lépreux » qu’il suffit de gratter à la main pour qu’il se décompose.

« Il réagit au contact de l’eau. Une fois hydratés, une partie des minéraux constituant les granulats se mettent à gonfler et le béton se transforme progressivement en poudre », explique Gilles Maeder, directeur du Laboratoire du bâtiment et des travaux publics de Nouvelle-Calédonie (Ginger-LBTP NC). Principales incriminées, les zéolites, une famille de minéraux que l’on trouve dans les granulats de certaines carrières, principalement dans la région de Nouméa. Parmi les membres de cette famille, la laumontite, ou zéolite naturelle, la plus redoutable. Contre elle, pas grand-chose à faire. Sinon protéger d’un revêtement au moment de la construction, ou, en cas de désordres sévères – comme sur les arêtes des bâtiments dans lesquelles l’eau de pluie s’infiltre plus facilement –, créer une étanchéité en recouvrant le béton à l’aide d’enduits, une intervention souvent réalisée lors des ravalements de façade. Objectif, éviter que la lèpre ne se propage aux enrobages et armatures.

Recenser, comprendre, sensibiliser

Face à cette maladie, au fort impact inesthétique, la FCBTP s’est mobilisée. Accompagnée de plusieurs partenaires dont le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, elle a lancé une opération destinée à déterminer les causes du phénomène, en comprendre les mécanismes et apporter des solutions. Déjà en cours, et pour une durée de six mois, la phase 1, une étude bibliographique, est conduite par un expert national, le Centre d’études et de recherches de l’industrie du béton (Cerib), en coopération avec LBTP. Elle doit recenser l’ensemble des ressources disponibles sur ces pathologies atypiques et comparer la problématique locale à celle des rares pays où la zéolite s’est attaquée au béton.

Phase 2, prévue pour durer quatorze mois et démarrer bientôt, une étude scientifique dont l’objet est de comprendre les mécanismes du processus de désagrégation. Elle comptera une étude en laboratoire sur les propriétés physico-chimiques de ces cristaux indésirables. La troisième et dernière phase ciblera notamment les moyens de les détecter dans les agrégats, elle listera les mesures à adopter pour lutter contre la maladie, voire l’éradiquer. Un guide de bonne conduite sera très largement diffusé aux professionnels, aux acteurs de la construction, et à tous les entrepreneurs qui fabriquent eux-mêmes leur béton et n’utilisent pas celui prêt à l’emploi certifié NF. Ce dernier ne contient a priori pas de zéolite. En effet, il provient de carrières “saines”. Celles pouvant être contaminées ont été écartées.

Pas de risques pour les structures

« La laumontite n’est pas répertoriée dans le corpus normatif des bétons, on n’a pas de critères comme sur les sulfates, le soufre ou le chlore. Aujourd’hui, nous nous retrouvons relativement démunis sur la définition d’un dosage, d’une méthode d’identification de cette pathologie, indique Gilles Maeder. L’idée est de pouvoir déterminer les seuils d'acceptabilité à partir desquels on considère que les agrégats ne sont pas utilisables pour les bétons hydrauliques, et qu’une carrière est jugée dangereuse pour la durabilité du béton ».

Autre objectif, rassurer tout le monde. Benoît Meunier insiste, « la zéolite ne met pas en péril les structures des bâtiments ou des ouvrages ». De son côté, le gouvernement a initié « un partenariat complet, sincère et ouvert avec les fédérations professionnelles, afin de travailler dans la même direction : l’assainissement du marché, la mise en place de bonnes pratiques et la garantie de la pérennité des bâtiments », comme l’assure Djamil Abdelaziz, directeur adjoint des Achats, du patrimoine et des moyens de la Nouvelle-Calédonie (DAPM).

Les parties d’immeubles les plus exposées à la pluie s’effritent par plaques entières.

Les parties d’immeubles les plus exposées à la pluie s’effritent par plaques entières.

 

 

     Dans le cadre du référentiel de construction

Cette étude s’intègre parfaitement dans la démarche d’amélioration de la qualité de la construction initiée par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie à travers le référentiel de construction RCNC. « Pour protéger le citoyen, le gouvernement a mis en place un système d’assurance de dommages qui garantit la pérennité du bien au moins pendant dix ans et prend en charge les investigations nécessaires pour connaître les causes du désordre avec l’ardente obligation de parvenir à la résolution du problème technique », explique Djamil Abdelaziz. Il poursuit : « On a devant nous un vide scientifique qu’on a vocation à combler, avant de partager les informations. Ce processus de désagrégation n’est pas forcément spécifique à la Nouvelle-Calédonie, mais on conjugue peut-être un certain nombre de facteurs d’accélération ». Ultraviolets, embruns marins, vents…

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 Six partenaires autour d’une convention

 

      - Deux organisations : Fédération calédonienne du BTP (FCBTP) et Union de la maçonnerie et du

        gros œuvre nationale (FFB-UMGO) ;

     - Quatre co-financeurs : Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ; Fédération française du bâtiment  

       (FFB) ; Fondation excellence de la SMA-BTP (représente les assureurs) ; Agence qualité construction

       nationale (AQC).

    - Budget : environ 30 millions de francs sur trois ans, financés pour moitié par le gouvernement.

 

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