L’envol de Jonathan

L’envol de Jonathan

05 août 2016

Éducation et formation

L’envol de Jonathan

En juin, Jonathan Tholo (25 ans), de la tribu de Grand Couli à Sarraméa, a été admis avec panache au concours d'administrateur aux affaires maritimes. Cinquième sur 150 candidats. Et premier Calédonien à suivre ce cursus. Rencontre avec un juriste en droit international, à la tête bien remplie.

Il a grandi entre Sarraméa et Nouméa, entre montagne et mer. Rivière-Salée, Kaméré, Escoffier… Il boucle la partie calédonienne de ses études au Lapérouse avec une mention bien au bac STG. Nous sommes en 2009. Jonathan a 19 ans. Ensuite tout va se bousculer. Avec le programme Cadres Avenir, il commence par un DUT de gestion des entreprises et administrations, à Bourges, enchaîne sur une licence de droit mention administration publique à la fac de Tours puis avale un master de droit public général et relations internationales, partagé entre Tours et Sydney.

L’appétit venant en mangeant, Jonathan file à l’université de Bordeaux où il obtient un master 2 de droit international public et privé, ponctué d’une expérience de collaborateur juridique au Tribunal spécial des Nations-Unies pour le Liban à La Haye (Pays-Bas), avant d’intégrer l’an dernier Sciences Po Bordeaux, en classe préparatoire à l’Ena et aux concours de catégorie A +.

Des concepteurs de politiques publiques, pas des marins !

En février dernier, il décide de viser le concours d’administrateur aux affaires maritimes. « Une appétence particulière, par rapport à mon parcours universitaire… » À Paris, au ministère de l’Environnement, de l’énergie et de la mer, il franchit l’écrit en mai, survole l’oral et les épreuves sportives le mois suivant. Huit postes étaient ouverts pour 150 candidats, majoritairement issus de Sciences Po ou de la Sorbonne. Le seul représentant de l’outre-mer se classera cinquième ! « C’est un concours de même catégorie que l’Ena, mais pas aussi difficile, avec des épreuves assez généralistes, explique-t-il. On n’y recrute pas des marins, mais des futurs concepteurs de politiques publiques ».

Direction la Bretagne

Désormais intégré au corps d’administrateur aux affaires maritimes, Jonathan sera élève-officier de la Marine nationale à partir du 1er septembre. Durant ces deux années de formation, il se partagera entre l’École navale de Brest et l’École nationale de sécurité et d’administration de la mer (Ensam) de Nantes. En 2018, il deviendra administrateur titulaire et connaîtra sa première affectation. « À long terme, je vise un retour au pays, mais j’ignore encore sous quelle forme. » Pourquoi pas un rôle majeur au sein du Parc de la mer de Corail, dans le cadre d’objectifs de protection de l’océan, de gestion des ressources et de coordination régionale ?

En attendant, le vice-président de l’Association des Calédoniens de Bordeaux, promoteur inconditionnel des études en Métropole et « très bon VRP du programme Cadres Avenir », tente de gérer l’énorme pression qui pèse sur ses épaules depuis son succès en juin. Et, pour cela, rien de mieux que de se ressourcer en tribu, là-haut dans ses montagnes de Sarraméa, avant de partir à l’assaut du littoral breton.

 

Fiche de poste

L’administrateur des affaires maritimes assure la direction des différents services chargés de la mer et du littoral, participe au développement du transport maritime et de la plaisance, de la pêche et des cultures marines, des énergies marines et de la mise en œuvre des ressources profondes. Il veille à la bonne application des réglementations maritimes nationales et internationales. Associé aux opérations d’aménagement du littoral et de protection de la qualité des eaux, il coordonne également les moyens de sauvetage et de surveillance en mer et participe à la lutte contre la pollution des espaces marins.

 

1 600 Cadres Avenir depuis 1989

Programme destiné au rééquilibrage prévu par l’Accord de Nouméa, Cadres Avenir (qui a remplacé le programme « 400 Cadres » issu des Accords de Matignon) accompagne des personnes souhaitant reprendre un cursus d’études supérieures en vue de parvenir à un poste de cadre moyen ou supérieur nécessaire au développement économique de la Nouvelle-Calédonie. Depuis 1989, 1 584 personnes ont bénéficié de ces programmes, soit une moyenne de 58 stagiaires par an, dont 71 % d’origine kanak ; 45 % viennent des Loyauté, 36 % de la province Sud et 19 % de la province Nord. À l’arrivée, 78 % des parcours se sont conclus par une réussite et 98 % des personnes suivies travaillent aujourd’hui en Nouvelle-Calédonie. 51 % de la promotion 2015 est féminine. Pour 2016, 59 stagiaires intègrent ce programme financé à 90 % par l’État et à 10 % par la Nouvelle-Calédonie. Francky Dihace, premier avocat kanak, a également bénéficié de ce dispositif par le passé. Il prêtera serment le 11 août prochain devant la cour d'appel de Nouméa.