Dix jeunes acteurs de leur vie

Dix jeunes acteurs de leur vie

11 avril 2019

Culture Jeunesse et sports Sécurité et prévention

Ce mercredi 10 avril, un air de jeunesse flottait sur la salle des délibérations du gouvernement.

Ce mercredi 10 avril, un air de jeunesse flottait sur la salle des délibérations du gouvernement.

Dans le cadre de sa politique jeunesse et notamment de la prévention de la délinquance, le gouvernement, en partenariat avec la troupe Pacifique et Compagnie et le Chapitô, a recruté dix jeunes issus de quartiers sensibles de Nouméa pour constituer une équipe de comédiens. Ils monteront un spectacle interactif qu’ils présenteront tout au long d’une tournée de six mois à travers la Calédonie.

Ils sont dix, cinq filles et cinq garçons, âgés de 17 à 24 ans. Originaires de Magenta, Ouvéa, Lifou, Wallis… ou du Vanuatu. En début d’année, Louise et Dimitri, référents de la troupe Pacifique et Compagnie, ont pris leur bâton de pèlerin, fait le tour des maisons de quartier de Nouméa, se sont rendus à la MIJ et partout où les jeunes ont ancré leurs habitudes. Objectif, promouvoir un stage d’initiation au théâtre. Le “casting” s’est déroulé au Rex les 7 et 8 mars derniers, et dix jeunes, parmi une trentaine de volontaires, ont été recrutés à l’issue des deux journées, dans le cadre d’une mission de service civique universel de l’État d’une durée de huit mois. Elle consistera à conduire un projet interactif autour de la prévention de la délinquance.

Depuis début avril, des comédiens de la compagnie les initient au jeu d’acteur. Ils auront deux mois pour préparer une forme théâtrale, mener des recherches en improvisation, choisir les thématiques, écrire le scénario… « Ils adorent, assure Isabelle de Haas, directrice de Pacifique et Compagnie. Ils sont un peu en timidité quand il faut se présenter, mais dès qu’il s’agit jouer, de raconter un personnage, une histoire, ils sont à fond, je n’ai aucune inquiétude pour le spectacle ! ».

Addictions, violences, parentalité…

En parallèle, la petite bande part à la rencontre de personnes ressources – spécialistes des addictions, de la santé mentale, animateurs du plan Do Kamo, procureur de la République, etc. – afin de mieux travailler sur les sujets qu’elle a envie d’évoquer. Plusieurs thèmes reviennent comme une ritournelle : les violences, les liens à la parentalité, la représentation d’une jeunesse qui se sent repoussée, non légitimée, le mal-être, le suicide…

Originaire d’Ouvéa, Weston (22 ans) habite aux Tours de Magenta. Il a arrêté le lycée en 1re et depuis deux ans navigue de petit boulot en remplacement « J’avais envie de bouger un peu de mon quartier, alors j’ai dit oui quand on m’a proposé le stage. J’aimerais parler des jeunes qui font tout pour trouver du travail mais qui ne sont pas acceptés. »

« Tout le monde peut réussir »

Valoriser la jeunesse, et surtout ne pas la stigmatiser, tel est l’objectif principal du dispositif financé à hauteur de 15 millions de francs par le gouvernement, via la direction de la Protection judiciaire de l’enfance et de la jeunesse (DPJEJ). « Il est temps pour nous d’essayer de changer notre regard sur la société et de cesser de faire preuve d’une trop grande tolérance vis-à-vis de choses qui ne sont pas normales et finissent par rentrer dans les mœurs. Comme l’alcool, la vitesse et la bagarre, affirme Philippe Germain en s’adressant aux comédiens en herbe. Quand on voit les dégâts que ça cause à nos enfants… Vous aurez pour mission d’alerter le plus tôt possible les jeunes sur ces addictions. La jeunesse calédonienne doit porter son propre projet d’avenir et tendre la main à ceux qui ont eu un accident ou ont commis un faux pas. Dans ce pays au potentiel formidable, tout le monde peut réussir, sans exception ! »

Toucher les jeunes en difficulté, mais aussi les adultes

Directrice de la DPJEJ, Christiane Tetu-Wolff se dit « emballée ». « Je suis persuadée que vous allez transmettre aux jeunes en difficulté toute votre énergie à travers vos messages et qu’au-delà vous parviendrez à toucher aussi les adultes, qui doivent être les personnes référentes de ces jeunes, qui ont la responsabilité d’indiquer le droit chemin. Je compte beaucoup sur vous ! »

L’écriture sera finalisée courant mai, tout comme les costumes, les décors et la musique. Lors des représentations, sous le Chapîto itinérant, et dans une dizaine de communes, les jeunes devront interagir avec le public, solliciter les réflexions, animer des débats, être les pairs par lesquels peut émerger une prise de conscience. Pour le moment, Weston profite à fond, des découvertes, de son nouvel environnement. Et après, une fois que la tournée pays sera achevée ? « Je n’y pense pas pour le moment. Mais j’aimerais continuer à travailler, dans la peinture ou le bâtiment… » Pas comme comédien ? Il rigole : « Si, et tourner dans les films américains ! ».

Philippe Germain en compagnie d’Isabelle de Haas (Pacifique et Compagnie) et Rémy Vachet (Le Chapitô).

Philippe Germain en compagnie d’Isabelle de Haas (Pacifique et Compagnie) et Rémy Vachet (Le Chapitô).

 

Christiane Tetu-Wolff, directrice de la DPJEJ, « emballée » par le projet.

Christiane Tetu-Wolff, directrice de la DPJEJ, « emballée » par le projet.

 

« Le théâtre outil de cohésion sociale »

- Raymond, de Lifou : « J’ai envie d’aider à changer les habitudes, de faire comprendre aux jeunes qu’on peut faire autre chose que fumer des pétards, boire avec les copains ou voler ».
- Aurélia, originaire du Vanuatu : « Je suis contente de faire partie de ce projet. Ça va motiver les jeunes à bouger au lieu de rester au quartier à faire des bêtises, à être connus non pas de la police mais pour des choses positives ».
- Israéla : « Je suis très contente de monter un projet avec des jeunes pour des jeunes ».
- Marie-Françoise, Wallisienne (s’adressant au président du gouvernement) : « Je voulais vous remercier car vous êtes l’essence même de ce très beau projet. Ce n’est pas facile pour vous de toujours sensibiliser la jeunesse… On sait tous qu’on est l’avenir de demain. On va monter sur la colline, regarder les rayons du soleil, dire que la Nouvelle-Calédonie est un très beau pays et qu’on peut la faire avancer avec cette jeunesse-là ».
- Rémy Vachet, directeur du Chapitô : « Le Chapitô est un outil pays qui permet d’aller en direction des publics éloignés de l’offre de spectacle, une plate-forme pour faire circuler des idées très librement. (aux jeunes) Je trouve que vous avez beaucoup de courage. Vous vous attaquez à des thématiques très engagées, il ne faudra pas oublier la dimension de l’imaginaire dans votre création ».
- Isabelle de Haas, directrice de Pacifique et Compagnie : « Je suis très heureuse d’accompagner ce projet qui pour nous a énormément de sens. Le théâtre outil de cohésion sociale, on y travaille depuis de longues années. On a mené des projets similaires qui ont toujours eu beaucoup de succès. Ça permet aux jeunes de s’interroger sur le monde qui les entoure, de développer un esprit critique. Ils sentent qu’ils ont un rôle à jouer au sein de leur communauté et vont retrouver ainsi une estime de soi, la confiance en eux. Mais surtout il nous faudra les accompagner pour qu’après la tournée ils ne se retrouvent pas en face du vide et qu’ils puissent former un projet de vie derrière ».

La tournée

- Lundi 29 mai à 9 h 30 au Chapitô (Tuband) : avant-première pour les élèves des établissements scolaires de Nouméa et les jeunes suivis par la DPJEJ.

- Mardi 30 mai à 19 h : première représentation à la maison de quartier de Tuband. Jusqu’au 2 juin.

- 26 juin - 7 juillet : Hienghène

- 17-28 juillet : Kouaoua

- 7-18 août : Canala

- 21 août - 1er septembre : Voh

- 4-16 septembre : Thio

- 24 septembre - 5 octobre : Pouembout 


- 15-19 octobre : Dumbéa (Parc Fayard)

- 4-17 novembre : Maré

Forum participatif

Le “théâtre forum” est une technique de théâtre participative qui consiste d’abord à faire improviser des comédiens pendant 15 à 20 mn sur des thèmes illustrant des situations conflictuelles ou des sujets problématiques. Ils joueront ensuite devant le public à qui est destiné le message. À la fin de la scène, le meneur de jeu propose de rejouer le tout et convie les spectateurs à intervenir à des moments clés afin de dire ou faire quelque chose susceptible d’infléchir le cours des événements

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