Pour un sport encore plus propre

Pour un sport encore plus propre

28 mai 2019

Jeunesse et sports Santé et social

Félicia Ballanger, responsable de l’organisation antidopage en Nouvelle-Calédonie, et Richard Donnadieu, médecin du sport à la DJS et préleveur.

Félicia Ballanger, responsable de l’organisation antidopage en Nouvelle-Calédonie, et Richard Donnadieu, médecin du sport à la DJS et préleveur.

La protection de la santé des sportifs et la lutte antidopage s’appuient sur une délibération datant de 2006 et des arrêtés d’application pris en 2007. Au quotidien, la chasse aux produits interdits est conduite par l’équipe de Félicia Ballanger, ancienne championne de cyclisme sur piste et responsable de l'organisation antidopage de Nouvelle-Calédonie à la direction de la Jeunesse et des sports (DJS).

Les contrôles antidopage peuvent être inopinés, « moyen le plus efficace d’attraper les tricheurs », ciblés « en fonction d’informations fiables sur des personnes suspectées », se produire lors d’une compétition, à l’entraînement, au domicile d’un sportif dans le collimateur. Sur les stades de la capitale, ou en Brousse à l’aide d’un camping-car appartenant au gouvernement et équipé de toilettes. « Avant, dès qu’on réservait une chambre d’hôtel pour le Dr Lallemand, tout le monde savait très vite dans la commune que des contrôles se préparaient. Au détriment de l’effet de surprise. Aujourd’hui, nous sommes complètement autonomes avec ce véhicule. »

Chaque année, Félicia Ballanger établit un programme de contrôles, mis en œuvre le week-end principalement. Sur son ordinateur, dans son bureau du centre médico-social (CMS) de la DJS, le logiciel Adams (système d’administration et de gestion antidopage) constitue une « grosse toile d’araignée » permettant à toutes les agences antidopage dans le monde de partager au quotidien des informations et ainsi de renforcer l’efficacité de la lutte contre le dopage.

Les compétitions internationales dans le collimateur

Même si elle ne peut contrôler tout le monde, la DJS dispose de moyens très corrects pour mener près de cent prélèvements par an en moyenne, dans un maximum de disciplines. L’analyse “standard” recherche les substances interdites par l’Agence mondiale antidopage (Ama) et qui font chaque année l’objet d’un arrêté du gouvernement : stimulants, anabolisants, hormones de croissance, diurétiques… L’échantillon analysé coûte 33 000 F. Pour 20 000 F supplémentaires, on peut diligenter une analyse plus fine : EPO (pour les sports d’endurance), taux de testostérone… « D’une manière générale, le dopage n’est pas très répandu en Nouvelle-Calédonie. C’est très difficile ici de se procurer de l’EPO, précise la championne, médaille d’or en vitesse individuelle aux JO d’Atlanta en 1996. Le plus gros danger réside dans les compétitions internationales durant lesquelles un sportif aux pratiques illicites pourrait introduire de mauvaises habitudes, comme ce fut le cas à une époque avec quelques cyclistes. Là, on mène des contrôles plus poussés. » Et ça marche. Le dernier coureur attrapé sur le tour de Calédonie, un Néo-Zélandais, l’a été il y a quatre ans. « Depuis une quinzaine d’années, on a bien calmé les choses sur le cyclisme. »

Suspension rarement inférieure à deux ans

Une fois le prélèvement effectué, l’échantillon est expédié au laboratoire de  Châtenay-Malabry, en région parisienne. Si l’analyse s’avère positive, le sportif contrôlé peut solliciter une contre-expertise, à sa charge et en pure perte (le second flacon examiné contenant la même urine que le premier). Après confirmation du résultat par le laboratoire, l’athlète est convoqué devant une commission disciplinaire présidée par un magistrat et qui regroupe l’ordre des médecins, celui des pharmaciens, le mouvement sportif, un représentant des entraîneurs et des sportifs. La commission entend les explications de la personne incriminée et livre son verdict en suivant les recommandations de l’Ama. En Nouvelle-Calédonie, la sanction la plus lourde a frappé un culturiste il y a deux ans : cinq ans de suspension, pour usage d’un produit très peu recommandable. « La commission a voulu marquer le coup. » Il faut savoir que les interdictions de pratiquer sont désormais rarement inférieures à deux ans, la Nouvelle-Calédonie devant s’aligner sur les standards de l’Organisation océanienne de lutte contre le dopage (l’Orado) dont elle est membre depuis 2013. La sentence prononcée, le sportif dispose de trois mois pour faire appel. Il n’y en a jamais eu en douze ans…

Le volet prévention

Ce n’est pas fini. En fonction de la gravité des faits, la ligue concernée peut même invalider le résultat et retirer ses prix au sportif vainqueur en trichant. Comme ce pourrait être le cas pour ce bodybuilder contrôlé positif au clenbutérol – une substance prescrite à l’origine pour les chevaux de course ! – lors des championnats de Nouvelle-Calédonie en octobre dernier et qui a été sanctionné pour deux ans.

Autre sportif lui aussi passé devant la commission de discipline le 19 février dernier, un… pongiste fumeur régulier de cannabis, pris par la patrouille lors d’un tournoi de tennis de table en août 2018 au Mont-Dore et qui a écopé de huit mois.

Circonstances atténuantes au présumé tricheur, de nombreuses substances interdites par l’Ama se retrouvent dans des médicaments utilisés “en toute innocence” pour se soigner. D’où, au-delà de la répression, l’importance de la prévention. Accompagnée d’un médecin, Félicia Ballanger prêche la bonne parole ici et là, expliquant ce qu’est le dopage, comment lutter contre, détaillant les procédures d’un contrôle, les mauvaises habitudes à ne pas prendre, la façon de se soigner sans risques dans la pharmacie familiale, etc. « On provoque l’information auprès des ligues et des sportifs, on se déplace sur les stages. On communique aussi sur les compléments alimentaires, à n’acheter qu’en pharmacie. Entre 20 et 30 % de ceux vendus en salles sont contaminés par un produit actif. S’ils ne viennent pas de France ou d’Europe, la composition exacte n’est pas forcément mentionnée sur la boîte… »

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Liste des substances et méthodes interdites sur : http://www.wada-ama.org/fr/content/liste-des-interdictions

Test au cannabis avant Apia

En Nouvelle-Calédonie, 95 % des cas positifs sont dus au cannabis, produit figurant, pour des raisons de santé publique, sur la liste des substances interdites par l’Ama. Celle-ci préconise une suspension de deux ans minimum. La consommation de cannabis ne relève pas, a priori, d’une volonté de tricher et n’améliore pas la performance du sportif, sauf peut-être pour certaines disciplines qui requièrent calme et concentration extrêmes comme le tir ou le tir à l’arc, ou pour d’autres plus “périlleuses”, à l’image de l’escalade, pour ses effets désinhibants. « Mais un athlète qui a de vraies ambitions de performance n’y touchera pas, indique Félicia Ballanger. Plus le niveau s’élève, et moins il y a de cannabis ». Une fois, en 2014, un contrôle a tourné au gag lorsque, après un match, cinq footballeurs se sont sauvés en courant du CMS en pleine procédure. Ils ont tous été suspendus…

Avant de s’envoler pour les Samoa, tous les athlètes sélectionnés aux XVIes Jeux du Pacifique seront convoqués au CMS, ligue par ligue, à la demande du CTOS. Et tous se soumettront à un test spécial, semblable à celui de grossesse, qui, une fois la languette trempée dans l’urine examinée, donne un résultat instantané. Un test destiné à valider la sélection. « Il ne s’agit pas qu’un de nos athlètes soit contrôlé positif au cannabis à Apia. »

Quelques chiffres

- Entre 80 et 100 prélèvements par an, parmi lesquels 4 cas positifs en moyenne sur les 8 dernières années ;

- Coût d’un échantillon : 33 000 F ;

- 10 préleveurs accrédités, plus quelques bénévoles ;

- Sanction la plus lourde prononcée : 5 ans d’interdiction de pratiquer (un culturiste) ;

- 95 % des cas positifs dus à la consommation de cannabis ;

- Budget annuel pour la lutte antidopage : 4 millions de francs (matériel, frais d’analyse, fret, vacations des préleveurs…) ;

- Environ 25 % des compléments alimentaires vendus dans les salles de sport sont “contaminés” ;

- Depuis 2009, la commission de discipline s'est prononcée sur 28 cas concernant 27 sportifs différents de 11 disciplines : football (7), culturisme (5), cyclisme (4), va'a (4), athlétisme, force athlétique, surf, tennis, tennis de table, tir à l'arc et triathlon (1 chacun) ;

- Sur ces 27 sportifs, 3 sont décédés vers 40 ans. Un chiffre qui fait froid dans le dos, même s’il est impossible d’imputer directement leur mort à la consommation de produits prohibés.

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Le savoir-faire calédonien

Le centre médico-sportif de la Nouvelle-Calédonie est le seul organisme de lutte antidopage sur le territoire. Et une référence pour les voisins de la région, exceptions faites de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande. Deux de ses agents, Félicia Ballanger et François-Xavier Turpin, sont accrédités pour pratiquer les prélèvements. Ainsi que des médecins, des infirmières ou encore une préparatrice en pharmacie. Soit un total de dix préleveurs auxquels s’ajoutent des “chaperons”, bénévoles restés fidèles depuis les derniers Jeux du Pacifique organisés à Nouméa. Au cours de NC2011, pas moins de 341 contrôles avaient été effectués en quinze jours par six équipes de 90 personnes tournant sur les différentes disciplines. Quatre fois plus que lors des éditions précédentes. De quoi impressionner favorablement la directrice de l’Orado, qui depuis s’appuie sur le savoir-faire calédonien. « Nous étions aux Mini-Jeux du Vanuatu il y a deux ans et cette année trois personnes de notre équipe partent aux Samoa pour contribuer au bon déroulement du programme des contrôles », souligne Félicia Ballanger. Et pour se maintenir au sommet et se tenir informés de l’évolution du code mondial antidopage, les préleveurs calédoniens suivent tous les deux ans à Nouméa une formation continue dispensée par la même directrice de l’Orado qui vient délivrer ou renouveler les accréditations.

Le CMS peut également être prestataire de services pour une fédération nationale, internationale, ou d’autres organisations antidopage lui demandant d’effectuer des contrôles. La fédération internationale d’automobile, par exemple, à l’occasion du Rallye de Nouvelle-Calédonie.

Déroulement d’un contrôle

Il répond à des règles très précises édictées par l’Ama.

- Sélection : au hasard, selon des critères fixés à l’avance, ou ciblée ;

- Notification : par un agent de contrôle du dopage ou une escorte qui indique au sportif qu’il va être contrôlé et l’informe de ses droits et responsabilités ;

- Présentation au poste de contrôle : immédiate, juste après la notification, avec une pièce d’identité ;

- Production de l’échantillon : dans les toilettes, après avoir choisi un récipient de prélèvement neuf et sous emballage, le sportif s’exécute sous l’œil d’un agent de contrôle du même sexe. Il doit préalablement retirer tout vêtement entre la taille et les genoux et entre les mains et les coudes. Ceci afin de garantir qu’il s’agit bien de son urine et d’empêcher toute manipulation de l’échantillon.

- Volume de l’urine : le minimum requis est de 90 ml. En dessous, le sportif passe à la procédure d’“échantillon partiel” jusqu’à atteindre le volume nécessaire. Il reste sous observation constante et peut s’hydrater.

- Répartition de l’échantillon : après avoir choisi l’équipement de stockage, le sportif verse le volume d’urine nécessaire à l’intérieur d’un flacon (B). Le reste est recueilli dans un second flacon (A). Les deux flacons sont scellés. L’échantillon A sera analysé, le B est conservé au cas où d’autres analyses seraient demandées.

- Remplissage du formulaire : des informations concernant tout médicament ou complément que le sportif aurait pris récemment sont consignées sur le formulaire de contrôle du dopage. Le sportif peut inscrire ses commentaires et préoccupations sur la manière dont la séance s’est déroulée. La copie du formulaire destinée au laboratoire ne contient aucune information susceptible de l’identifier.

Le réfractomètre permet de mesurer la gravité (densité) de l’urine. Si elle contient trop d’eau, le laboratoire ne pourra l’exploiter.

Le réfractomètre permet de mesurer la gravité (densité) de l’urine. Si elle contient trop d’eau, le laboratoire ne pourra l’exploiter.