Un projet de loi contre le harcèlement au travail
Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a lancé le débat sur la mise en place d’une loi du pays relative aux relations de travail et à l’interdiction du harcèlement moral et sexuel au travail.
Ce projet de loi du pays a reçu un avis favorable de la commission consultative du travail et du conseil du dialogue social, il devrait être examiné très prochainement par le conseil économique et social avant transmission au Conseil d’Etat pour avis.
La question du harcèlement sexuel est traitée pénalement depuis 1992 en métropole, en 2002 la loi interdit le harcèlement moral au travail. Dès 2002, le conseil économique et social rend un premier avis dans lequel il alerte les pouvoirs publics sur l’absence de traitement de cette question en Nouvelle-Calédonie.
Une première réponse est venue de l’Etat en 2009 avec l’extension, par ordonnance du 14 mai 2009, des dispositions du code pénal qui qualifient le harcèlement moral et sexuel comme délit, passible d’un an de prison et d’une amende de 1 789 976 F CFP.
Toutefois, constatant qu’aucune disposition législative n’encadrait spécifiquement le harcèlement au travail dans le code du travail, le conseil économique et social, dans un avis présenté le 07 aout 2009 (sur autosaisine) a rappelé l’urgence à adopter une législation en la matière. Dans son avis, le CES estime qu’il convient de privilégier les mesures de prévention mais également de prévoir un dispositif adapté aux spécificités de la Nouvelle-Calédonie. Il y avait donc urgence pour la Nouvelle-Calédonie à légiférer dans son champ de compétence, le droit du travail.
En Nouvelle-Calédonie, de nombreux conflits collectifs du travail ont pour origine une dégradation des relations individuelles de travail. La difficulté à maintenir un cadre professionnel qui garantit à chacun à la fois le respect de sa personne, de sa dignité ou de son identité et le bon fonctionnement de l’entreprise constitue une source fréquente de tensions préjudiciables aussi bien aux personnes qu’à l’entreprise. Cette situation est dénoncée par l’ensemble des acteurs du droit du travail et appelle à une réforme du système de relations individuelles de travail. Par ailleurs, les partenaires sociaux réclament depuis longtemps un texte relatif au harcèlement dans le droit du travail, ce point figure d’ailleurs dans l’agenda social partagé 2009/2010.
Le projet du gouvernement
Le projet de texte se décline autour de trois axes essentiels :
- L’affirmation d’un droit nouveau a des relations de travail sans violences verbales ou physiques ;
- L’instauration d’un dispositif de prévention ;
- La définition et l’interdiction du harcèlement au travail.
- L’instauration d’une procédure de médiation qui peut être mise en œuvre lorsque les relations de travail se dégradent ;
- L’instauration d’une amende pénale et d’une peine d’emprisonnement.
S’agissant tout d’abord de l’affirmation du droit a des relations de travail exemptes de violence physiques ou verbales, il convient de souligner qu’il s’agit d’une disposition innovante , propre au droit néo-calédonien et sans équivalent législatif en métropole. (Inspiré de la législation québécoise). Il convient également de préciser (et c’est très important) que ce droit est invocable par tout salarié de l’entreprise envers son employeur ou envers ses collègues, quelque soit le niveau hiérarchique (le harcèlement pouvant en effet être soit vertical, soit horizontal), le non respect de ce droit pouvant conduire à un licenciement justifié. Cette affirmation est renforcée par l’obligation pour l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour rendre ce droit effectif, notamment s’il le souhaite ou sur demande du médecin du travail du CHSCT ou des délégués du personnel, en instaurant un plan pour la qualité des relations de travail.
S’agissant ensuite de l ‘instauration d’un dispositif de médiation, il faut en retenir que tout salarié s’estimant victime de harcèlement sexuel ou moral peut demander l’intervention d’un médiateur préalablement à une action disciplinaire ou judiciaire. Il convient ici de préciser que le projet de loi traite la délicate question de la charge de la preuve de manière différente du droit métropolitain. En effet, si en métropole, la charge de la preuve pèse sur la personne mise en cause, le projet de loi arrêté par le gouvernement propose une solution plus « neutre » sans aucune forme de présomption pesant sur l’une ou l’autre des parties S’agissant enfin des sanctions, elles sont identiques à celles prévues dans le code pénal (un an d’emprisonnement et 15 000 euro d’amende, soit 1 789 976 F CFP).