Une reconversion pour les grands sportifs
Favoriser l’insertion professionnelle des sportifs de haut niveau est l’un des objectifs inscrits dans le plan stratégique de la pratique sportive en Nouvelle-Calédonie, adopté le 20 février 2019 par le Congrès. Le gouvernement l’a mis en pratique en créant un dispositif spécifique de recrutement au sein de la fonction publique.
L’insertion professionnelle des sportifs qui se sont illustrés à l’échelon international a fait l’objet d’une large réflexion lors des Assises du sport organisées par le gouvernement en mai 2016. « L’une des thématiques était dédiée à l’accès au sport de haut niveau, rappelle Pierre Forest, directeur de la Jeunesse et des sports (DJS). Plus largement, cela s’inscrit dans la volonté de faciliter la préparation d’un double projet sportif et scolaire ou professionnel efficient. Ainsi, des pôles espoirs ont été ouverts pour permettre aux jeunes Calédoniens de concilier études et entraînements chez eux et de retarder leur départ dans des structures en Métropole. Un autre axe est de travailler sur la reconversion professionnelle des sportifs qui ont passé 15 à 20 ans de leur vie à s’entraîner et à participer à des compétitions ». Sous l’impulsion du secrétaire général du gouvernement, Alain Marc, et de la DJS, et en collaboration avec la direction des Ressources humaines et de la fonction publique (DRHFPNC), un dispositif a été mis en place par la collectivité pour les athlètes.
Recrutement sous conditions
Concrètement, il est proposé à des sportifs Calédoniens d’accéder à un emploi au sein de la fonction publique pour une durée maximale de trois ans, dans leur secteur professionnel de préférence. Parmi les conditions de recrutement, le candidat doit avoir été médaillé aux Jeux Olympiques ou Paralympiques et/ou aux Championnats du monde et d’Europe et être diplômé dans son domaine d’activité. Deux premiers sportifs de haut niveau viennent de bénéficier de cette mesure et ont rejoint des directions de la Nouvelle-Calédonie en mai. Il s’agit de Thierry Cibone, athlète handisport qui a encore raflé l’or au lancer de javelot et l’argent au lancer de poids aux championnats d’Europe en 2018, et de Minh Dack, champion de karaté (voir encadrés).
Horaires aménagés
Ce contrat sur-mesure, qui prévoit également une organisation du temps de travail compatible avec les entraînements et les compétitions, est une véritable opportunité pour ces athlètes qui peuvent ainsi envisager de manière sereine la réalisation de leurs derniers objectifs sportifs, tout en préparant leur nouvelle carrière professionnelle. « C’est un retour mérité pour eux qui ont porté haut les couleurs de la France et représenté la Nouvelle-Calédonie dans des compétitions majeures », souligne Pierre Forest. Deux à trois recrutements similaires devraient être effectifs entre chaque olympiade, soit sur une période de quatre ans. Durant son contrat, l’agent-sportif de haut niveau pourra bénéficier par ailleurs d’une préparation aux concours de la fonction publique, mais aussi de formations professionnelles nécessaires au développement de ses compétences dans le cadre de ses missions.
Thierry Cibone, porte-parole du handisport à la DJS
Titulaire d’un brevet professionnel de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport, Thierry Cibone a été recruté comme éducateur sportif à la direction de la Jeunesse et des sports (DJS). L’athlète multi-médaillé en lancer exerce à Lifou où il agit depuis plusieurs années pour le développement de l’athlétisme handisport avec le soutien de la province des Îles et de la ligue calédonienne de sport adapté et handisport. Ce contrat va lui permettre de pérenniser son action et de l’étendre à Maré et à Ouvéa. « Il y a du potentiel ! Des jeunes de Lifou, Marcelin Walico et Rose Wélépa, ont déjà intégré l’équipe de France aux JO de Rio ». À 45 ans, Thierry vise lui-même une participation aux Jeux paralympiques de Tokyo, après avoir remporté des médailles à ceux de Sydney, d’Athènes et de Londres. « J’ai un programme avec mes missions et à côté, je peux me libérer pour m’entraîner, se félicite-t-il. Après 19 ans de carrière sportive, ma reconversion professionnelle est primordiale pour moi. Je suis vraiment soulagé d’avoir ce travail. Pour moi, c’est une reconnaissance en tant qu’athlète de haut niveau pour toutes ces années de sacrifices ».
Minh Dack, des tatamis à l’infographie
Vice-champion d’Europe et vice-champion du monde de karaté, Minh Dack, 36 ans, a passé de nombreuses années à s’entraîner en Métropole. « Plus jeune, je ne pensais qu’au sport et aux compétitions, confie le Calédonien. Mais il y a dix ans, passionné par la communication visuelle, j’ai fait une formation d’infographiste. » Ce qui lui a permis d’être recruté à ce poste à l’imprimerie du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. « En Métropole, je bénéficiais d’un dispositif similaire – un contrat d’insertion professionnelle – via la structure dans laquelle je m’entraînais. Seulement, je n’avais pas forcément le choix du domaine professionnel alors que là, c’est exactement le métier que je souhaitais faire. » Autre avantage, le karatéka bénéficie d’horaires aménagés pour pouvoir s’entraîner. En effet, après avoir arrêté sa carrière sportive il y a trois ans, et de retour chez lui, Minh s’est fixé un nouvel objectif : participer aux JO de Tokyo en 2020 où le karaté figure pour la première fois. « Le niveau va être équivalent à celui d’un Championnat du monde », glisse celui qui pense avoir ses chances pour décrocher une sélection en équipe de France.