Le Sénat coutumier s’engage en faveur des femmes
Le Sénat coutumier a organisé, mardi 8 mars, une matinée de débats à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, en présence de Louis Mapou, président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et d’Isabelle Champmoreau, vice-présidente, chargée notamment de l’égalité des genres.
« La Nouvelle-Calédonie est en train de vivre un moment fort et historique, a souligné Isabelle Champmoreau, vice-présidente du gouvernement. C’est la première fois que le Sénat coutumier célèbre la journée internationale des droits des femmes. Ce qui montre une réelle prise de conscience et une envie de réfléchir sur la place des femmes qui devra se concrétiser par des actions concrètes. »
Ce 8 mars, le Sénat coutumier a souhaité marquer son engagement pour la cause des femmes en organisant une matinée d’échanges autour de la condition féminine en Nouvelle-Calédonie. Une occasion d’aborder des questions de fond avec les représentantes des associations de femmes et l’ensemble des participants, notamment l’égalité des sexes et la place de chacune dans la société… y compris dans les institutions.
Un Sénat ouvert aux sénatrices
« Depuis la colonisation, la coutume a su évoluer et s’adapter, a indiqué Hippolyte Sinewami-Htamumu, sénateur coutumier et grand chef de La Roche. Et ce, à tel point que l’on se pose désormais la question de la place des femmes au sein de notre institution. Il n’y a ni frein, ni obstacle pour que nous ayons, demain, une sénatrice au niveau des conseils et du Sénat coutumiers. » C’est, selon lui, une volonté qui vient du terrain, portée par les clans et les chefferies de toutes les aires coutumières.
Et la date du 8 mars est désormais inscrite au calendrier du Sénat coutumier : cette journée sera célébrée chaque année avec la volonté de pérenniser les échanges et cette volonté profonde de changement.
Comment concilier visions occidentale et kanak ?
Lors de cette matinée, Oriane Trolue, chargée de mission à la commission du développement économique et social du Sénat coutumier a souhaité remettre certains éléments en perspective : « Aujourd’hui, nous vivons entre deux mondes, kanak et français, et on est tous imprégnés par ces deux cultures. On veut voir comment on peut concilier les deux, et même le meilleur des deux, en vue de créer des mesures de politiques publiques plus adaptées pour répondre aux besoins des femmes ».
La coutume kanak et son rôle dans l’équilibre des relations hommes-femmes restent au cœur des débats. Une « décolonisation institutionnelle, mentale et sociale » est nécessaire pour permettre de concilier développement et préservation des traditions millénaires et de l’environnement. « Le sujet de la coutume est le clan et non pas l’individu. » a rappelé Oriane Trolue. De ce fait, une femme est aussi apte qu’un homme à porter et défendre les intérêts du clan. Ce qui définit la place d’une personne dans la société kanak, ce n’est pas son statut, mais son lien de filiation et sa capacité à remplir ses devoirs, à assumer son rôle et sa fonction pour l’équilibre général dans la société.
« Attention, a averti Louis Mapou, président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, nous sommes à un moment important entre les deux mondes, le monde européen et le monde kanak. Il faut faire attention aux types d’outils et aux mécanismes, car c’est un sujet complexe. On doit s’appuyer sur des dynamiques réelles comme l’économie solidaire, par exemple, en lien avec le thème de l’ONU de cette année. »
Un comité pour l’égalité
Dans cette optique, le comité de travail pour l’équilibre homme-femme, récemment créé au sein du Sénat coutumier, s’attache à engager des réflexions sur les notions d’égalité et de condition féminine en intégrant les visions portées par les cultures occidentale et kanak. « Ces sujets dépassent toutes les communautés et les clivages politiques. » a rappelé Isabelle Champmoreau.
Bien que les femmes soient plus diplômées que les hommes, et qu’ « à l’Université de Nouvelle-Calédonie, il y a un meilleur taux de réussite chez les filles », comme l’a souligné Yvon Kona, les postes de cadres sont occupés à 60 % par des hommes. Plus de la moitié des salariés en CDI sont des hommes (54 %). À niveau de diplôme égal, les femmes sont également moins payées que les hommes. En 2015, le salaire moyen des femmes était de 295 007 francs et celui des hommes de 304 375 francs.
Enfin, le sujet le plus sensible concerne les violences faites aux femmes qui restent tristement d’actualité. « Au gouvernement, nous avons créé des secteurs dédiés a rappelé Isabelle Champmoreau. Nous sommes engagés dans la lutte contre les violences conjugales. Quel que soit le statut des personnes, les unes ont le droit d’être protégées et les autres doivent être sanctionnées. C’est notre rôle en tant qu’institution d’instaurer un équilibre, une parité. »
Fragilisées par le changement climatique
« L’égalité aujourd’hui pour un avenir durable » était le thème choisi cette année par l’ONU pour cette journée de sensibilisation et de mobilisation. Il s’inscrit dans le droit fil de la 66e commission de la condition de la femme des Nations unies, qui se réunira fin mars : « Réaliser l’égalité des sexes et l’autonomisation de toutes les femmes et de toutes les filles dans le contexte du changement climatique et des politiques et programmes de réduction des risques environnementaux et des catastrophes. »
Les femmes sont, en effet, reconnues comme étant plus vulnérables aux impacts du changement climatique que les hommes, car elles sont davantage dépendantes des ressources naturelles qui sont les plus menacées par les bouleversements environnementaux. Cependant, elles œuvrent activement en faveur de la lutte et de l’adaptation aux changements climatiques et transmettent aux générations futures les valeurs de protection de l’environnement.
L’ONU a développé différents programmes tels que Femmes et développement et Commerce, genre et développement. Ces stratégies ont été développées par 193 nations et sont ensuite adaptées par chaque pays en fonction de leurs spécificités.
« Des sociétés plus égales sont des sociétés moins criminelles avec moins de délinquance et de violence. » a souligné Felicity Roxburgh, consule générale de Nouvelle-Zélande.
Une charte kanak de la condition féminine
Si les inégalités hommes-femmes concernent toutes les communautés, le Sénat coutumier constate que la population mélanésienne est particulièrement touchée. Ainsi, l’institution a pour projet d’adopter une charte kanak de la condition féminine, qui s’apparenterait à une contribution coutumière en vue d’améliorer la condition et l’intégration de toutes les femmes dans la société calédonienne.