9 000 touristes chinois : émoi, émoi, émoi…
Jeudi 9 et vendredi 10 mars, Nouvelle-Calédonie Tourisme Point Sud (NCTPS) a convié les professionnels du tourisme calédonien à un séminaire baptisé « China Ready » financé par le gouvernement. Une formation dédiée à la compréhension du marché touristique chinois. Objectif, se préparer tout au long de l'année 2017, avant d’affréter un premier vol de visiteurs de Pékin ou de Shangai en février 2018 pour le Nouvel An chinois. Et d’en accueillir 9 000 à l’horizon 2025.
« Ce séminaire est l’une des premières opérations de “China Ready”, un plan d'actions conjoint NCTPS-Aircalin, en collaboration avec le gouvernement, préconisé par les Ateliers du tourisme de décembre 2016 », explique Julie Laronde, directrice adjointe de NCTPS. Quatorze heures de formation concrète, dispensée par Boris Viallet, chargé de mission au consulat général de France à Shangai, et représentant d’Atout France Chine, ont permis de « dégrossir le terrain ». Le premier jour était consacré à la découverte du marché, aux relations avec les professionnels du tourisme chinois et à l’accueil de ce nouveau type de visiteurs. Des touristes « connectés, curieux, qui ont besoin de partager en permanence leurs découvertes et leurs photos sur les réseaux sociaux, très dépensiers et attachés au shopping, et qui préfèrent acheter un sac Vuitton à Paris plutôt qu'à Shangai », comme l’indique le formateur.
Une stratégie digitale
La seconde journée, les professionnels locaux du tourisme ont appréhendé le très spécifique écosystème digital chinois. « Sur 1,4 milliard de Chinois, la moitié est connectée à internet et autant sur mobile, poursuit Boris Viallet. Disposer en voyage d’un smartphone connecté à internet leur permet d'être sécurisés par des applications comme la géolocalisation ou les traductions en ligne ».
En matière de réseaux sociaux, WeChat écrase la concurrence avec 800 millions d’utilisateurs actifs mensuels en 2016 ; 90 % des propriétaires de mobiles se servent de WeChat et 200 millions possèdent une carte de crédit attachée à leur compte (WeChat Pay). Ce réseau touche aussi bien le grand public que les professionnels. « Les prestataires calédoniens seront vraisemblablement amenés à travailler avec les tours opérateurs chinois via WeChat », estime Boris Viallet. « Les Chinois communiquent énormément entre eux à travers les réseaux sociaux, constate Stella Le Van Hao, directrice de Nouméa Centre Ville, qui bénéficie de la formation. Il va falloir construire toute une stratégie digitale pour les séduire ».
Clientèle individuelle et haut de gamme
Environ 60 % des Chinois voyageant à l'étranger sont des « Millennials », des jeunes de 20 à 35 ans, selon une étude menée par un cabinet chinois, lequel préconise d’accueillir en Calédonie une clientèle individuelle, à hauts revenus. À l’image d’autres destinations insulaires comme les Maldives (350 000 visiteurs chinois par an) ou Maurice (60 000). Un profil plus adapté que les groupes qui arpentent au pas de course quatre pays d’Europe en dix jours ! Pour cette génération de Millennials nés un smartphone à la main et qui affichent un niveau d'anglais tout à fait correct, « il serait sans doute intéressant de creuser en direction de produits comme le voyage de noces, ou les “autotours” en autonomie avec GPS et un hébergement un peu moins cher, type 3 étoiles ». Et de proposer des produits packagés, « pourquoi pas combinés avec un séjour en Australie ».
La « French touch »
Quelle que soit la formule, la Calédonie dispose de nombreux atouts susceptibles de convaincre le client chinois. « L’opportunité d’un vrai tourisme urbain, contrairement aux Seychelles ou à La Réunion, et ce petit coin de France à Nouméa, une incontestable plus-value qu'on peut mettre en avant tout en gardant la spécificité insulaire. La clientèle chinoise connaît très bien la France et apprécie tout ce qui se rattache à son image : le romantisme, la gastronomie… »
Les étapes du plan d’actions
Prochaine opération du plan d’actions, un « Be to Be » fin mars sur un salon de Pékin, pour commencer à tisser des relations commerciales. Puis, au mois de juin, un workshop à Pékin et Shangai où une délégation de professionnels calédoniens rencontrera les tours opérateurs et médias chinois. « Avant de se faire connaître du consommateur et de lui vendre des produits, nous devons être référencés chez les TO par qui passent 80 % des touristes », affirme Julie Laronde (photo ci-dessous), directrice adjointe de NCTPS. Les campagnes de communication, qui coûtent très cher, viendront donc plus tard. Avec un relai sur WeChat notamment, via Atout France. « Il ne faut pas se précipiter, mais faire les choses dans l’ordre, se préparer pour, le jour J, pouvoir accueillir cette clientèle particulière dans les meilleures conditions et répondre à ses besoins. » Un comité de pilotage assurera le suivi du plan, point par point : la capacité hôtelière, la restauration, l’apprentissage du mandarin… Ou encore la mise en place de moyens de paiement par le réseau UnionPay et la demande de statut de destination touristique agréée, destinée à faciliter l’obtention de visas pour les groupes, deux thématiques sur lesquelles planche le gouvernement.
Bijouteries et prêt-à-porter de luxe
Présente à la formation, Stella Le Van Hao (à gauche sur la photo) est venue « pour mieux connaître le profil du touriste chinois, afin de relayer l’information aux commerçant en vue d’un accueil adapté ». « J’ai découvert leurs habitudes, les petites choses auxquelles il faut faire attention, en particulier lors d’une négociation commerciale », témoigne la directrice de Nouméa Centre Ville. Le 28 décembre dernier, le paquebot Costa Atlantica de la compagnie Costa Croisières effectuait une escale inaugurale à Nouméa, avec à bord plus de 1 900 Chinois. « Nous en avons profité pour mener une enquête auprès des commerçants auxquels nous avions fourni des étiquettes de bienvenue écrites en mandarin à afficher sur les vitrines, ce que les croisiéristes ont beaucoup apprécié. » Premières conclusions de l’étude, outre la barrière de la langue, « les Chinois sont très doués en marchandage, ce sont de bons portefeuilles, une clientèle qui n'hésite pas à dépenser, tournée vers les bijouteries et le prêt-à-porter de luxe ». Ce jour-là, un vendeur de dents de mégalodon gravées a eu l’agréable surprise d’exploser son chiffre d’affaires. « Ils recherchent les produits typiques made in France. Peut-être faudrait-il mettre en valeur l'artisanat d'art local, comme la perle noire à Tahiti. » Au cours de l’escale, de nombreux visiteurs ont demandé où se trouvait Chinatown et, à défaut de nourriture chinoise, se sont rabattus sur un repas vietnamien.
Des touristes fort dépensiers
- 282 visiteurs chinois accueillis en 2016 en Nouvelle-Calédonie ; un objectif de 500 en 2017 et de 9 000 à l’horizon 2025.
- Les Chinois sont les voyageurs qui dépensent le plus à l'étranger, et de loin.
- 8 000 US $ en moyenne par personne (près de 900 000 francs) pour un séjour de 12 à 14 jours en Australie.
- 3 500 à 4 000 euros en moyenne par personne (entre 420 000 et 480 000 francs) pour un séjour de 6 à 7 jours en France.
- Si les Chinois représentent 2 % des visiteurs étrangers en Métropole, ils fournissent 30 % du chiffre d’affaires des Galeries Lafayette qui leur ont dédié un étage spécifique.
Ce qu’il faut savoir
- Ne pas attribuer une chambre au 4e étage, la prononciation du mot “quatre” en chinois étant similaire à celle du mot “mort”.
- Prévoir l’incontournable bouilloire dans la chambre et un petit déjeuner salé (ne pas oublier les nouilles) en adaptant le buffet continental classique.
- Ne pas perdre la face devant un touriste chinois et, encore moins, ne pas lui faire perdre la face. Devant un groupe par exemple, s’efforcer de respecter le protocole en s’adressant à la personne hiérarchiquement au-dessus des autres.
- Abolir le non direct et frontal et l’humour au second degré.
- Ne jamais ouvrir un cadeau devant la personne qui vous l’a offert. Et si possible, en faire un en retour, les Chinois en raffolent.
- Faire semblant d'être attentif et regarder au moins 20 à 30 secondes la carte de visite que votre interlocuteur vous a tendue, même si son nom et ses fonctions sont en chinois. Il en fera autant si vous lui remettez la vôtre. Une marque de respect.