Un arc-en-ciel de communautés pour un même pays
Organisée depuis quinze ans par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie à la date anniversaire du 24-Septembre, la Fête de la citoyenneté a pour objectif principal de sensibiliser la population à l’édification d’un sentiment commun d’ancrage et d’appartenance à un même pays. Comme en 2018, elle s’est déroulée cette année au centre culturel Tjibaou.
Pendant que les danseurs finissent de s’habiller sous un faré et que les stands des associations des communautés peaufinent leur décoration, les coutumiers de l’aire Djubéa-Kapone accueillent les nombreuses délégations. Un arc-en-ciel communautaire de bon augure en cette journée d’échanges, de découvertes, de rapprochements et de liens à tisser. C’est l’heure du geste coutumier, et de la parole portée par Didier Poidyaliwane : « Le 24-Septembre… c’est un grand défi pour toutes les communautés, comme pour le peuple kanak qui affronte ses vieux démons ; jour de deuil national ou jour de fête […]. C’est un grand défi car on est encore loin de trouver un consensus : sur le nom de la journée, sur la date, sur le lieu aussi ».
Le membre du gouvernement notamment en charge de la culture, de l’identité et de la citoyenneté, enchaîne : « Aux générations futures de relever ce défi, de construire un destin avec toutes les communautés, en définissant les droits et les devoirs qui se rattachent à la citoyenneté, les valeurs sociales qu’on partage […] ».
Bienvenue dans la maison des richesses
À ses côtés, Henriette Falelavaki représente le président Santa. Elle aussi en appelle à la « feuille de route signée en 1988 que nous sommes en train de construire ensemble ». Après le lever de drapeaux sur fond d’hymne calédonien, Guillaume Soulard, directeur artistique de l’ADCK, encourage les différentes délégations à monter sur la scène de l’espace Apé Vila et à prononcer quelques mots : « Le centre culturel Tjibaou se dit Ngan Jila en langue, la maison des richesses, pas celles des murs ou des œuvres qui y sont accrochées, mais celles des gens qui y vivent, y chantent ou y dansent, comme vous tous aujourd’hui ».
La troupe de danses traditionnelles Tiaré Pacifique et celle de la tribu de Hunöj à Lifou ouvrent le bal. Un spectacle de danse fusion évidemment très symbolique, présenté à Raiatea en juillet dernier et retraçant les vagues de migration du peuple polynésien, pour un message rassembleur. « Je suis métisse polynésienne et kanak, explique Suzanne, présidente de Tiaré Pacifique. Et la fusion, on en a toujours fait, ce n’est pas une première. Cette histoire, c’est celle de ma famille… Il y a eu beaucoup de mélanges ».
Calligraphie chinoise, monnaie kanak, batik indonésien…
Sur le même espace Apé Vila, l’Académie des langues kanak propose un atelier de gravure sur bambou. Chaque visiteur grave un mot, son prénom, une phrase traduite dans une langue de son choix, avant de repartir avec sa création. À quelques volutes de fumée, les premières dégustations culinaires aspirent le public glouton sous le grand faré de bord de mer : faikai wallisien à base de lait de coco et farine de taro, bœuf grillé dans une feuille de bétel proposé par l’Amicale vietnamienne, etc.
Dans l’Aquarium, là-haut, près de l’allée centrale, se tient la cérémonie traditionnelle du thé chinoise, tout près d’un stand de calligraphie animé par l’Association pour la promotion des échanges culturels sino-calédoniens. En face, l’Association indonésienne de Nouvelle-Calédonie initie les enfants aux subtilités du batik, alors qu’une dame de Hienghène et son fils fabriquent de la monnaie kanak avec des poils et des os de roussette, des coquillages et de l’écorce de banian.
Un nécessaire devoir de mémoire
Invité par la direction de la Culture, l’IANCP (Institut d’archéologie de la Nouvelle-Calédonie et du Pacifique) est venu avec des photographies d’objets Lapita, des publications, des spécimens de mobiliers archéologiques issus des dernières fouilles. « On fait partie de cette citoyenneté calédonienne de par le fait qu’on peut l’expliquer par l’histoire », indique Sandra Maillot-Winemou, directrice par intérim de l’institut qui offre également des animations pour les enfants, comme les techniques de restauration d’une poterie.
Toujours au rayon histoire, l’association Marguerite participe à sa deuxième Fête de la citoyenneté. « Nous étions montés à Balade en 2011 avec une partie de l’association », souligne Manu Cormier, son président. « Nous, on représente une partie de l’histoire de la communauté calédonienne, celle issue de la colonisation pénale », précise le descendant du déporté politique François Victor Cormier. Son message est limpide : « Rappeler que la citoyenneté ne peut se construire sans référence au passé. Et notre rôle consiste à préserver ce passé ». Et à pérenniser le devoir de mémoire, notamment auprès du jeune public et des scolaires accueillis toute l’année en résidence sur le site de Fort Téremba.
Mini-forums
Deux mini-forums se sont déroulés sur la terrasse Perui. Le premier, « Rites, rituels, us et coutumes de la vie », a abordé les rites, rituels et coutumes participant de l'identité de chaque composante culturelle du pays, les différences mais aussi les pratiques communes leur permettant de tisser des liens entre elles. Le second, dans l’après-midi, baptisé « Être citoyen calédonien », portait sur la place et le rôle que chaque communauté joue ou entend jouer dans la construction de la citoyenneté calédonienne.
Une fête itinérante
Après s’être tenue pour la première fois en 2005 sur la place du Mwâ Kââ, baie de la Moselle à Nouméa, la Fête de la citoyenneté s’est décentralisée à Pouébo (2011), avant d’être célébrée à Houaïlou, Poya, Ouvéa, Païta, Poum et Maré. Elle est revenue à Nouméa en 2018, dans un lieu chargé de symboles et ouvert à toutes les cultures, le centre culturel Tjibaou, lequel l’a de nouveau accueillie cette année. Pour 2020, rien n’est encore décidé…
Sélections pour Hawaii
Organisé tous les deux ans par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie en partenariat avec les provinces, les aires coutumières, les communes et les établissements publics culturels, le 4e Festival des Arts du Pays s’est déroulé du 23 février au 24 septembre 2019. Il proposait quatre journées culturelles ouvertes au grand public, afin de sélectionner les artistes qui constitueront la délégation calédonienne au 13e Festival des Arts et de la Culture du Pacifique, en juin 2020 à Hawaii. Les disciplines sélectionnées ce 24 septembre au centre culturel Tjibaou étaient la sculpture, la peinture, le dessin, la musique kanéka, le chant choral et la monnaie kanak (photo).