Un plan pour pérenniser le RUAMM

Mise à jour : 11 février 2020

Le gouvernement a examiné mardi 11 février 2020 un ensemble de textes - six qui seront déposés sur le bureau du Congrès et quatre arrêtés - qui compose le premier train de mesures du plan pour pérenniser le régime d’assurance maladie-maternité (RUAMM).

Depuis sa création, le régime du RUAMM a fait l’objet de plusieurs plans de redressement et bénéficie chaque année de subventions de la Nouvelle-Calédonie, sans pour autant que son équilibre soit assuré. En 2019, comme chaque année, les recettes constatées, complétées des subventions exceptionnelles de l’Agence sanitaire et sociale (ASS), n’ont pas été suffisantes pour couvrir la totalité des dépenses auxquelles doit faire face ce régime. La dette se creuse et a déjà atteint plus de 33 milliards de francs début 2020. Parallèlement, le budget prévisionnel 2020 du RUAMM affiche un déficit de 6,4 milliards de francs. 

Par voie de conséquence, les retards de versement du RUAMM ont placé les établissements hospitaliers en rupture de trésorerie de façon constante. Pour mettre un terme à cette situation intenable et suite à de nombreux échanges et rencontres avec les professionnels concernés, un plan cohérent, porté par le président du gouvernement et la membre du gouvernement chargée du plan de santé Do Kamo, a été construit pour tendre vers l’équilibre du RUAMM.

Un plan en trois volets

  • Volet 1 : assainir les comptes du RUAMM dont la dette s’élève fin 2019 à 33,2 milliards, en la transférant à un établissement public à caractère administratif (EPA). Le remboursement de la dette serait assuré par l’affectation à cet EPA de nouvelles taxes. Parallèlement, certaines créances du Ruamm, particulièrement anciennes et reportées mécaniquement année après année, pourraient être abandonnées par les organismes prêteurs (Nouvelle-Calédonie et hôpitaux notamment).
     
  • Volet 2 : garantir l'équilibre du Ruamm en augmentant les recettes, par l’amélioration des services de contrôle des arrêts en longue maladie ou accidents du travail opérés par le contrôle médical unifié de la Cafat, l’amélioration du recouvrement des cotisations et la création d’une taxe comportementale sur les produits sucrés, et en rationnalisant les dépenses de fonctionnement du RUAMM, des hôpitaux et des établissements de soins privés, des professionnels du secteur médical, de pharmacie, de transport et en responsabilisant les patients.
     
  • Volet 3 : moderniser le pilotage du système de santé par la mise en œuvre de la réforme structurelle préconisée par la mission de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) en Nouvelle-Calédonie en 2018, qui s’est poursuivie fin janvier 2020, et qui reviendra en mai prochain pour délivrer ses préconisations finales. Parmi les réformes proposées figurent la création d’un objectif calédonien des dépenses de santé et d’une autorité indépendante de régulation qui s’assurera de son respect, la dématérialisation de toutes les données de santé et la création d’indicateurs de suivi des politiques de santé.

Les premières mesures

Les premiers textes de cette réforme ont été examinés ou arrêtés lors de la séance des membres du gouvernement du 11 février. Ils viennent essentiellement alimenter le deuxième volet de ce plan de redressement. Pour rappel, pour être applicable, un projet de loi du pays ou un projet de délibération du Congrès doit être adopté par le Congrès, contrairement aux arrêtés du gouvernement exécutables dès publication au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie.

Autorisation de prêts entre les régimes du régime général de la Cafat (projet de loi du pays) et affectation d’une partie de la Contribution calédonienne de solidarité au remboursement de la dette (projet de loi du pays)

Afin de faire face au déficit du régime maladie autrement appelée RUAMM, le gouvernement propose aujourd’hui d’autoriser un prêt de 5 milliards de francs des régimes vieillesse et prestations familiales, aux réserves excédentaires vers le régime maladie. Le prêt octroyé ne mettra donc pas les deux régimes concernés en difficulté.

Afin de rembourser ce prêt, une partie de la Contribution calédonienne de solidarité (CCS) sera directement affectée aux deux régimes créanciers pour un montant annuel d’1,72 milliard pendant trois ans (2021-2023), à un taux de 1,5 %. De façon générale, les prêts entre les différents régimes pourront être autorisés sur décision du conseil d'administration de la Cafat, pour une durée maximale de cinq ans.

Baisse de 3 % du budget de fonctionnement 2020 des hôpitaux publics (projet de délibération du Congrès)

Le Congrès de la Nouvelle-Calédonie détermine annuellement l’évolution des dépenses hospitalières publiques par un taux directeur composé d’un taux de reconduction (destiné à financer le fonctionnement des hôpitaux à moyens constants) et d’un taux de mesures nouvelles (destiné à financer les réorganisations exceptionnelles des services hospitaliers).

Afin de réduire la dette du RUAMM, le gouvernement propose au Congrès de n’attribuer aucune mesure nouvelle aux trois hôpitaux publics pour 2020, et de fixer un taux directeur général d’évolution des dépenses hospitalières négatif de 3 % pour les trois hôpitaux. La dotation globale de fonctionnement du Centre hospitalier du Nord sera toutefois maintenue comme en 2019 pour permettre au pôle sanitaire d’achever son installation.

Le remboursement des dettes du régime maladie va redonner de la trésorerie aux hôpitaux ce qui leur permettra de mettre en place une véritable politique d’achat (médicaments et équipements) vertueuse et économe.

L’impact financier de cette mesure est évalué à 1,029 milliard de francs d’économie annuelle pour le RUAMM.

Participation des professionnels à la maîtrise des dépenses (deux arrêtés)

Actuellement, les patients en longue maladie sont suivis par un médecin référent qui bénéficie d’une indemnisation spécifique dite « majoration médecin référent ». Fin 2019, 553 médecins référents suivaient 45 010 patients en longue maladie. Le gouvernement a aujourd’hui pris un arrêté qui plafonne le versement de cette indemnité à 150 patients par médecin. Au-delà, le praticien ne touchera plus la majoration.

L’impact financier de cette mesure s’élève à 110 millions de francs d’économie annuelle pour le RUAMM.

Concernant les radiologues et les chirurgiens-dentistes, la cotation dite « Z5 » (radiographies intrabuccales permettant d’examiner un petit nombre de dents), qui avait pour objet de permettre aux professionnels de s’équiper en matériel de numérisation en parallèle du matériel de radiologie, sera supprimée. Les appareils de radiologie modernes permettent en effet depuis plusieurs années de numériser directement les images.

L’impact financier de cette mesure s’élève à près de 30 millions de francs d’économie annuelle pour le RUAMM.

Participation du centre de radiothérapie de Nouvelle-Calédonie en 2020 (arrêté).

La grille tarifaire du centre de radiothérapie de Nouvelle-Calédonie, fixée par le gouvernement en 2015, va être revue à la baisse. Un premier bilan sera réalisé courant 2021 pour évaluer l’impact de cette mesure et opérer éventuellement de nouveaux arbitrages.

L’impact financier de cette mesure s’élève à près de 300 millions de francs en 2020 pour le RUAMM.

Parallèlement, le centre de radiothérapie vient d’être autorisé à développer une activité de curiethérapie (traitement local de certains types de cancer), qui concerne chaque année une vingtaine de patients aujourd’hui évasanés.

Le développement de cette offre de soins en Nouvelle-Calédonie doit permettre de réaliser une économie de 17 millions de francs par an pour le RUAMM.

Extension du ticket modérateur sur le petit risque maladie pour les assurés volontaires (projet de loi du pays)

Jusqu’à présent, seules les personnes qui bénéficient d’une mutuelle par leur employeur se voient appliquer un ticket modérateur. Les personnes couvertes à titre individuel et volontaire (travailleurs indépendants, retraités ou étudiants) n’étaient pas concernées et étaient donc remboursées à 100 % pour les prestations de soins dites « petit risque ». Cette iniquité de traitement a été soulevée par le Conseil d’État dans son avis rendu le 29 janvier 2019. Le projet de loi du pays, applicable à compter du 1er  juillet 2020, s’il est adopté par le Congrès, propose donc d’étendre aux personnes couvertes à titre individuel et volontaire le ticket modérateur sur le petit risque.

> Le ticket modérateur est la partie des dépenses de santé qui reste à la charge du patient après le remboursement de l'assurance maladie et de la mutuelle.

> Le petit risque maladie correspond aux consultations et visites des praticiens, actes des auxiliaires médicaux, acte de radiologie, frais de pharmacie et de laboratoires. Il ne concerne pas les frais d’optique, les 12 premiers jours d’hospitalisation, les actes consécutifs à une hospitalisation, les actes d’orthodontie et de prothèses dentaires, les soins pédicures et semelles orthopédiques.

Parallèlement, le périmètre des organismes complémentaires, jusqu’à présent circonscrit aux seules mutuelles, s’ouvrira à l’ensemble des organismes d’assurance complémentaire.

L’application de ce projet de loi du pays apporterait une économie au RUAMM de 248 millions de francs par an.

Déremboursement des médicaments à faible service médical rendu (arrêté)

Les médicaments classés « service médical rendu (SMR) faible » par la Haute Autorité de Santé (HAS) ne seront plus remboursés. Le SMR est un critère défini par l’HAS qui prend en compte la gravité de la pathologie pour laquelle le médicament est indiqué et des données propres au médicament (efficacité et effets indésirables, place dans la stratégie thérapeutique, intérêt pour la santé publique).

L’impact financier de cette mesure s’élève à près de 90 millions de francs d’économie par an pour le RUAMM.

Remboursement des transports en ambulance désormais réservé aux personnes dépendantes (projet de loi du pays et délibération d’application)

Le remboursement des transports en ambulance sera désormais réservé aux personnes ayant perdu leur autonomie de déplacement, notamment pour des raisons physiques ou psychiques.

De façon plus globale, le projet de loi du pays arrêté aujourd’hui réglemente la profession d’ambulancier et les transports en ambulance avec plusieurs objectifs : redéfinir la profession et encadrer son exercice (urgences, gardes, astreintes, etc.), sécuriser la pratique (diplômes et certificats permettant d’exercer la profession et sanctions applicables en cas d’exercice irrégulier) et améliorer la qualité des prestations (exigence de l’agrément, réglementation en termes de matériel, de désinfection, de bonnes pratiques) pour une meilleure prise en charge des patients. Il prévoit également la mise en place de la fonction d’auxiliaire ambulancier et la création d’une carte professionnelle qui facilitera les contrôles.

Les transports sanitaires terrestres constituent une activité particulièrement développée en Nouvelle-Calédonie. En 2019, le territoire comptait 433 professionnels ambulanciers pour 59 entreprises agréées qui contribuent, chaque année, à la réalisation de plusieurs dizaines de milliers de transports sanitaires.

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