Valoriser les talents de la jeunesse : le défi de la formation professionnelle
Valoriser les talents de la jeunesse : le défi de la formation professionnelle
23 avril 2025

Samuel Hnepeune, membre du gouvernement chargé de la formation professionnelle, a présenté la feuille de route de ce secteur actuellement en tension. Face aux mutations du marché du travail et aux budgets contraints, la formation professionnelle nécessite une refonte en profondeur vers un système plus juste, plus cohérent et plus performant, afin de valoriser la jeunesse et de répondre aux besoins des professionnels.
Un secteur en difficulté face à de nouveaux enjeux
La formation professionnelle en Nouvelle-Calédonie traverse une période critique. À l’image de certains secteurs clés du territoire, elle subit depuis 2019 une baisse drastique de ses moyens financiers. Le budget, autrefois supérieur à 1,6 milliard de francs, a chuté, pour s’établir à 600 millions en 2025.
« La situation budgétaire actuelle nous oblige à faire aussi bien voire mieux avec beaucoup moins, à travers trois piliers : la mutualisation, la rationalisation des coûts et des économies d’échelle considérable pour arriver à cette performance », a souligné le membre du gouvernement.
Cette contraction budgétaire a un impact direct sur l’offre de formation. En 2020, 25 actions étaient proposées pour plus de 450 stagiaires. En 2025, seules 6 à 8 formations concerneront entre 90 et 110 stagiaires. Cette réduction drastique limite les opportunités d’insertion professionnelle, en particulier pour les jeunes, et creuse l’écart entre les besoins du territoire et les compétences disponibles.
La crise de mai 2024 a exacerbé la situation. De nombreuses structures ont fermé leurs portes, laissant un vide pour les publics en formation. Mais au-delà de la conjoncture, c’est une transformation en profondeur de l’économie calédonienne qui s’opère : recul des secteurs historiques comme la mine ou la construction, et montée en puissance des services, du numérique, de la maintenance ou encore de l’économie bleue.
Face à ces mutations, le territoire doit relever plusieurs défis : rendre les métiers attractifs, identifier les filières porteuses, adapter les formations aux réalités économiques, améliorer la qualification des publics et renouer avec les collectivités (provinces et communes).
Dans ce contexte, la formation professionnelle demeure un enjeu majeur. « Il y a des constats qui sont alarmants. Chaque année, on retrouve 800 jeunes qui sortent du système éducatif sans aucune formation. Autre élément inquiétant : l’âge de déscolarisation qui est passé de 16 à 13 ans », a expliqué Samuel Hnepeune.
« Il y a donc un gap considérable entre le niveau d’origine de ces jeunes et le niveau d’employabilité. L’idée est donc de retrouver le niveau budgétaire de l’année dernière si l’on veut redonner de la valeur à la jeunesse, c’est pourquoi il est important de mieux accompagner la formation professionnelle ».
Une réponse stratégique et volontariste portée par le gouvernement
Conscient de l’urgence, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, par le biais de la direction du Travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (DTEFP), s’engage dans une refonte ambitieuse de la formation professionnelle. L’objectif : garantir à chacun un accès durable à l’emploi, en misant sur la formation continue, l’innovation et la coordination des acteurs.
Pour ce faire, différentes pistes et actions sont envisagées :
- Mutualiser les ressources pour renforcer l'efficacité ;
- Sécuriser les parcours professionnels ;
- Outiller et professionnaliser les acteurs de l’orientation ;
- Innover pour rapprocher la formation des réalités du terrain.
« Île Nou : Presqu’île des Savoirs » – Sanctuariser un écosystème innovant pour une passerelle entre la formation initiale et professionnelle
Au cœur d’une stratégie globale de transformation de l’offre de formation en Nouvelle-Calédonie, un projet structurant et innovant prend forme : la Presqu’île des Savoirs, implantée sur le site emblématique de l’Île Nou à Nouville. Ce projet phare, encore en phase de structuration, s’inspire des « Villages des Solutions » déployés en Métropole, et se donne pour mission de renforcer la cohérence et la visibilité de l’ensemble des parcours de formation sur le territoire.
Particularité forte de ce projet : il favorise la synergie entre formation initiale – avec la présence de l’Université de la Nouvelle-Calédonie et du lycée Jules-Garnier – et formation professionnelle, représentée notamment par le Village des Solutions. Cette cohabitation inédite permet de créer un véritable écosystème d’apprentissage, d’innovation sociale et de développement économique, où les moyens, les structures et les expertises sont mutualisés pour répondre durablement aux enjeux de qualification et d’insertion professionnelle.
« Le village des solutions qui s’intègre à la Presque’île des Savoirs, est un écosystème qui réunit différents acteurs en un même endroit afin de sécuriser le parcours de l’apprenant, a exposé Samuel Hnepeune. C’est un guichet unique qui permettrait de lever les freins que peuvent rencontrer les apprenants dans leur parcours de formation, tels que des difficultés de mobilité ou de santé ».
Les objectifs de la Presqu’île des Savoirs
Ce projet novateur s’articule autour de plusieurs ambitions clés :
- Mutualiser les moyens humains et les plateaux techniques, pour une meilleure efficacité des dispositifs existants ;
- Favoriser la montée en compétences à travers une offre de formation adaptée, accessible et innovante ;
- Soutenir l’innovation sociale et encourager de nouvelles dynamiques territoriales ;
- Simplifier les parcours en offrant un guichet unique, évitant aux bénéficiaires de multiplier les démarches auprès de différents organismes.
Un public large, au cœur des enjeux d'insertion
La Presqu’île des Savoirs s’adresse à la fois aux apprenants, des jeunes en formation initiale, des demandeurs d’emploi, ou des salariés en reconversion, mais aussi à des structures partenaires, issues de secteurs essentiels : santé, logement, mobilité, parentalité, culture, citoyenneté, solidarité… créant ainsi un accompagnement global et inclusif.
Un lieu stratégique, chargé d’histoire et tourné vers l’avenir
Nouville, site historique de la formation en Nouvelle-Calédonie, a longtemps accueilli des structures clés comme le centre de formation des apprentis de la CMA, l’IFPSS ou encore la DPJEJ. Ce riche héritage est aujourd’hui prolongé et modernisé à travers l’implantation de la Presqu’île des Savoirs, dans un périmètre stratégique, aux côtés de l’Université de la Nouvelle-Calédonie, du lycée Jules-Garnier, du Sénat coutumier ou encore des infrastructures hospitalières.
L’installation à proximité du port de Nouméa – site en pleine reconversion – ouvre de nouvelles perspectives, avec notamment l’arrivée de navires scientifiques dédiés à la recherche. L’Île Nou, classée au patrimoine calédonien, deviendra ainsi un véritable site stratégique apprenant, valorisant l’histoire tout en répondant aux enjeux d’avenir.
Une gouvernance partagée au service de la cohésion territoriale
La gouvernance du projet repose sur un Conseil local, garant d’une gestion collaborative, inclusive et innovante qui permettrait de :
- Mutualiser les équipements et compétences ;
- Sécuriser les parcours, notamment des publics les plus vulnérables ;
- Déployer des parcours modulaires et flexibles, en lien avec les besoins réels des entreprises ;
- Soutenir l’entrepreneuriat local et la montée en compétences ;
- Favoriser la continuité entre formation initiale et continue ;
- Rationaliser les coûts pour une meilleure efficacité collective ;
- Répondre de manière agile et ciblée aux besoins en main-d’œuvre du marché du travail.
Partenariats et financements
Pour le membre du gouvernement « ce projet que l’on porte avec la mairie de Nouméa est un concept qui nous permettrait d’obtenir des financements européens notamment ».
Le gouvernement envisage également de solliciter le soutien de l’ Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) pour son expertise en ingénierie pédagogique et en structuration de dispositifs, mais aussi de l’Agence française de développement (AFD) pour son accompagnement en ingénierie de projet.
D’autre part, afin d’assurer la pérennité et l’adaptabilité du dispositif, il faudra compter sur des partenariats publics et privés.
En articulant vision stratégique et projets concrets comme celui de la Presqu’île des Savoirs, la Nouvelle-Calédonie amorce une refonte profonde et ambitieuse de sa politique de formation professionnelle. Ce plan d’action se veut une réponse durable aux enjeux d’employabilité, de compétitivité et de cohésion sociale. En misant sur la collaboration, l’innovation et l’anticipation des besoins, le territoire se dote des moyens nécessaires pour construire une économie plus résiliente et inclusive, au service des Calédoniens et plus particulièrement de sa jeunesse.
Chiffres clés
- 47 % : baisse de l’enveloppe budgétaire dédiée à la formation entre 2024 et 2025
- 28,3 % : taux de chômage chez les jeunes de moins de 30 ans soit 4 245 personnes
- 53% de non-qualifiés en recherche d’emploi soit 5 565 personnes
- 800 jeunes sortent chaque année sans diplôme des cursus de formation initiale