La lutte contre les violences intrafamiliales, une cause partagée depuis le grenelle

La lutte contre les violences intrafamiliales, une cause partagée depuis le grenelle

25 novembre 2025

Société

bilan grenelle VIF

À l’occasion de la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, Jacques Billant, haut-commissaire de la République, Isabelle Champmoreau, membre du gouvernement chargée des questions relatives à la famille et à l'égalité entre les femmes et les hommes, et Yves Dupas, procureur de la République, ont présenté le bilan du Grenelle calédonien contre les violences conjugales et intrafamiliales et ont dressé des perspectives pour les années à venir.

Une prise de conscience collective et une parole libérée

Lancé en septembre 2019, le Grenelle calédonien contre les violences conjugales a marqué un tournant décisif dans ce domaine. Le 23 novembre 2019, plus de 120 représentants institutionnels, coutumiers, associatifs et économiques se sont réunis pour affirmer une mobilisation collective et signer une charte.

Le Grenelle a permis une avancée significative, notamment dans l'accompagnement des victimes. Grâce à une coordination renforcée et à une structuration plus efficace, les acteurs de terrain ont bâti une mobilisation collective et expérimenté des dispositifs innovants.

Les actions liées au grenelle étaient structurées autour de six axes :

  • Prévention et sensibilisation : campagnes d'information grand public, lancement du site internet violences-conjugales.gouv.nc, diffusion de plus de 50 000 « pockets VIF », démarche « 3E » (éducation à l’égalité à l’école) généralisée dans les établissements scolaires ;
  • Professionnalisation : formation continue des acteurs pour une expertise de qualité. Plus de 1 000 professionnels formés (forces de l'ordre, professionnels de santé, acteurs éducatifs) ;
  • Mobilisation économique : implication active du secteur privé. Loi de pays sur l'égalité professionnelle (mai 2023) avec la création du congé du second parent et la protection des victimes au travail ;
  • Soutien aux victimes : amélioration de l'accueil et de l'accompagnement. Déploiement de dispositifs majeurs : 15 Téléphones Grave Danger (TGD), bracelet anti-rapprochement (BAR), intervenantes sociales en gendarmerie (ISG), dispositif d'aide aux victimes (DAV), Unité médico-judiciaire de proximité (UMJP) ;
  • Protection de l'enfance : politique des « 1000 premiers jours de vie », visites médicales systématiques en 6ème, Maison de protection des familles, statut des familles d’accueil en cours ;
  • Responsabilisation : éviction et suivi des auteurs de violences. Ouverture du centre de prise en charge des auteurs de violences intrafamiliales (dix places, décembre 2024), stages de responsabilisation.

Parmi les principales réalisations à noter :

  • une prise de conscience collective et une libération de la parole ;
  • la professionnalisation et la coordination renforcée des acteurs ;
  • le déploiement de nouveaux outils et dispositifs majeurs ;
  • une amélioration tangible de la prise en charge des victimes ;
  • la reconnaissance de l'importance de la prise en charge des auteurs de violences.

Des efforts à poursuivre

Bien que des progrès notables aient été réalisés, la persistance des violences impose de continuer les efforts sur les points suivants :

  • des disparités territoriales fortes subsistent : l'offre de services reste concentrée en province Sud, laissant certaines zones géographiques moins bien couvertes ;
  • des moyens humains et financiers à renforcer : le contexte budgétaire freine la pérennisation des actions expérimentées. L'offre d'hébergement s'est grandement réduite en 2024-2025. De nouveaux dispositifs doivent être soutenus ;
  • une coordination encore fragile : malgré les avancées, le pilotage reste fragmenté et souffre de l'absence de gouvernance centralisée ;
  • une transversalité insuffisante : les liens avec d'autres secteurs et politiques publiques déterminantes (santé, jeunesse, économie) restent à renforcer.

« Les chiffres restent toujours très alarmants. La Nouvelle-Calédonie reste en tête au niveau du territoire national, a déploré Isabelle Champmoreau. C'est pour cela qu'il ne faut pas relâcher les efforts. On constate qu’il y a plus de plaintes déposées, donc une libération de la parole, mais il ne faut pas occulter le fait que les chiffres restent importants et qu'il faut rester mobilisés ».

Par ailleurs, les outils et les dispositifs éprouvés depuis six ans doivent désormais être pérennisés et consolidés sur l'ensemble du territoire pour garantir une protection maximale. Le Grenelle doit s'inscrire dans une politique globale, transversale et de long terme, avec trois piliers essentiels :

  • Gouvernance et pilotage : mettre en place une gouvernance dédiée pour coordonner et évaluer la stratégie ;
  • Éducation, formation, prévention : mobiliser l'ensemble de la population pour changer durablement les comportements ;
  • Prise en charge globale : renforcer le maillage territorial et garantir un accompagnement pluridisciplinaire.

Au-delà des acteurs du Grenelle, c’est un changement d’échelle et une mobilisation de toutes les institutions, de toutes les collectivités, de toutes les communautés et de la population qui est nécessaire pour lutter contre l’ampleur des violences conjugales et intrafamiliales qui touchent la Nouvelle-Calédonie.

« Maintenant, il nous faut avoir une vision beaucoup plus large du sujet. Trouver les solutions pour faire baisser les chiffres des violences, en s'attaquant à d’autres domaines comme la santé, l'insertion professionnelle, ou encore l'autonomisation des femmes par la voie économique. Après avoir travaillé sur l'urgence, nous allons désormais mettre en place une politique encore plus globale », a indiqué la membre du gouvernement.

La protection de l'enfance : une priorité absolue

En Nouvelle-Calédonie, les violences intrafamiliales touchent de nombreux enfants. Les mineurs représentent 17 % des délinquants en zone police et 13 % en zone gendarmerie. Le baromètre santé mentale 2025 de l'Agence sanitaire et sociale (ASSNC) révèle notamment que 14 % des jeunes de 10-18 ans ont déjà sérieusement pensé au suicide. Par ailleurs, on constate une forte augmentation des violences sur mineurs entre 2023 et 2025.

Face à ce constat, la Nouvelle-Calédonie s’inscrit depuis 2023 de manière volontaire dans la politique des « 1000 premiers jours de vie ». Plus de 700 professionnels ont été formés aux enjeux de cette période cruciale pour le développement de l'enfant.

Elle renforce également la prévention de la santé en milieu scolaire (300 millions de francs dédiés en 2025) afin de repérer précocement les situations problématiques. Les visites médicales systématiques en classe de 6ème, menées par un médecin et une infirmière scolaire, permettent de révéler des situations graves qui n'auraient jamais été détectées autrement tels que des cas d’enfants victimes de violences sexuelles ou de maltraitances intrafamiliales.

Par ailleurs, dans le cadre du Plan territorial de sécurité et de prévention de la délinquance (PTSPD) 2025-2028, plusieurs actions majeures sont prévues :

  • « 1000 premiers jours de vie » : une campagne de prévention des consommations pendant la grossesse (2026) ;
  • Promotion de la santé en milieu scolaire : des entretiens individuels au lycée sur les addictions et la santé sexuelle (2026-2027) ;
  • Protection de l’enfance : loi du pays sur le statut des familles d’accueil (en cours) ;
  • Lancement d'une étude sur la mise en place d'un Institut thérapeutique éducatif et pédagogique (ITEP), un établissement médico-social qui accueille des enfants et adolescents présentant des troubles psychologiques entravant leur scolarité normale et leur adaptation en collectivité, sans pour autant être atteints de troubles mentaux graves ou de handicap intellectuel ;
  • Acquisition d’un appareil d’analyse toxicologique.

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