Le Parc de la mer de corail en effervescence
Le parc naturel de la mer de Corail concentre de multiples enjeux liés à son exceptionnelle richesse : préservation du patrimoine naturel et culturel, accompagnement des usages durables et responsables, collecte de connaissances scientifiques, développement des coopérations... En 2022, l’objectif est de poursuivre et de valoriser ces actions tout en préparant le futur plan de gestion avec l’ensemble des composantes de la société calédonienne.
« Nous voulons faire du parc naturel de la mer de Corail un étendard de la Nouvelle-Calédonie en matière de biodiversité et de géodiversité. » Lors de son discours de politique générale, Louis Mapou, président du gouvernement a manifesté l’ambition du gouvernement collégial. Consciente de l’impérieuse nécessité de protéger ses récifs qui figurent au rang des derniers récifs sauvages de la planète, tout en préservant une activité économique durable, la Nouvelle-Calédonie a créé en 2014 l’une des plus vastes aires marines protégées au monde. L’enjeu, désormais est de le valoriser de toutes les façons possibles. « Cette ambition s’inscrit dans la continuité de la stratégie de préservation du parc et dans la perspective de contribuer à la reconnaissance de la Nouvelle-Calédonie comme pôle de référence de la préservation de la biodiversité au niveau mondial et de territoire d’innovation. »
Dans cet élan, Joseph Manauté, membre du gouvernement chargé du parc naturel de la mer de Corail, a souhaité renforcer le lien entre le parc et le grand public en mettant l’accent, depuis le mois de novembre 2021, sur une stratégie de communication digitale dynamique. « Des programmes dédiés au parc naturel de la mer de Corail seront diffusés sur les antennes de la chaîne Caledonia dès le mois de mars 2022, précise-t-il. D’autres partenariats sont en cours de concrétisation. La création d’un site internet orienté vers le grand public est également à l’étude afin d’offrir une meilleure visibilité tant au niveau national qu’international. » D’autant qu’en ce début d’année, les instances du parc sont en pleine relance et les projets foisonnent.
Évaluation du plan de gestion qui s’achève
Le bureau du comité de gestion était, à ce titre, réuni le 18 janvier dernier. Les représentants des quatre collèges du parc étaient rassemblés sous la coprésidence du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et du Haut-commissariat de la République. L’objectif : dresser le bilan de l’année écoulée et présenter les perspectives pour 2022. La feuille de route s’articule autour des enjeux prioritaires du parc en matière de sécurisation des réserves, de définition des modalités d’exercice d’activités dans le parc, de la mise en place d'un plan global de surveillance et du renforcement de la protection des monts sous-marins.
« Cette réunion fut l’occasion de présenter la démarche d’évaluation de l’actuel plan de gestion qui arrivera à son terme en fin d’année, d’en identifier les atouts et les faiblesses, afin d’en tirer un bilan objectif », souligne Manuel Ducrocq, chef du service du parc naturel. Cette étape est le préalable à l’édification du futur plan de gestion qui guidera les actions du parc à compter de janvier 2023.
Une Loi du pays relative aux aires marines protégées
En 2020, suite à un contentieux opposant le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et une société de pêche, la Cour administrative d’appel de Paris a partiellement annulé l’arrêté instaurant les réserves du parc et pointé la nécessité d’une loi du pays pour légaliser certains articles. Celle-ci a été votée par le Congrès le 2 avril 2021 et amendée pour satisfaire à certaines attentes de l’État, le 21 décembre suivant. Le haut-commissaire de la République en Nouvelle-calédonie l'a promulguée le 12 janvier 2022, ouvrant ainsi la voie à la définition d'un cadre réglementaire révisé.
Le Congrès examinera prochainement un projet de délibération définissant, d’une part, les modalités de consultation du public et établissant, d’autre part, les régimes de sanctions pénales qui pourront être prononcées.
Divers ajustements réglementaires seront alors nécessaires pour gérer, notamment, l’octroi d’autorisations du gouvernement concernant les activités au sein du parc.
« Les propositions de réglementation des activités, de création des réserves et d’encadrement de leur fréquentation seront débattues avec les membres du comité de gestion lors d’ateliers de travail. Elles feront l’objet d’une consultation du comité scientifique et bénéficieront de l’éclairage d’experts, indispensables pour en appréhender les contours dans une logique de conservation et de prise en compte des usages » explique Manuel Ducrocq. Les propositions du comité de gestion seront ensuite soumises à l’avis du public ainsi qu’aux instances consultatives. C’est à l’issue de ce processus qu’un projet d’arrêté finalisé sera remis au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.
Habilitation des officiers de marine
Si la Nouvelle-Calédonie s’attache à définir un cadre réglementaire renouvelé en cohérence avec les enjeux de conservation du parc et à développer un outil de surveillance adapté aux particularités de ces vastes zones, les moyens humains et matériels dont elle dispose pour contrôler et constater les infractions sont très insuffisants. Suite à ce constat, lors de la conférence maritime régionale du mois de septembre 2019, le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie a proposé aux collectivités locales d’étudier l’habilitation des officiers de marine à constater les infractions en matière d'environnement commises dans le parc. Un amendement porté par les députés de la Nouvelle-Calédonie a été adopté par l’Assemblée nationale le 5 janvier 2022. À l’issue du processus législatif, les officiers de marine seront donc habilités à constater les infractions prévues dans les différents codes de l’environnement existant en Nouvelle-Calédonie.
Mesures de gestion relatives aux monts sous-marins
Par ailleurs, des mesures de gestions adaptées aux monts sous-marins doivent être adoptées afin de protéger les écosystèmes. Les connaissances sur le sujet ont été recensées en 2019 et, en février 2020, un travail scientifique a permis de hiérarchiser les enjeux liés aux reliefs et à la faune spécifique de chaque zone. Des mesures de protection adaptées aux aspects écologiques, économiques et socioculturels sont en cours de définition dans le cadre d’ateliers réunissant des membres du comité de gestion, des experts et les représentants des socioprofessionnels concernés. « Si certaines avancées ont pu être obtenues comme l’interdiction de la palangre horizontale de fond et de l’exploitation des ressources minérales et hydrocarbures, d’autres aspects n’ont pas fait consensus, précise Manuel Ducrocq. Il s’agit des questions relatives aux usages, notamment aux activités de pêche et de tourisme professionnel. » Les échanges se poursuivent.
Le plan de surveillance du parc
Compte tenu de l’immensité du parc, de l’éparpillement et de l’isolement des îles et récifs et de la menace qui pèse sur certaines ressources convoitées, le plan de surveillance de ces espaces doit nécessairement dépasser les formes habituelles : il doit intégrer des technologies innovantes complémentaires permettant un suivi de la fréquentation humaine dans le parc, et la détection de comportements anormaux. Cette mission, d’un coût global de 240 millions de francs, est prise en charge à 70 % par l’État, dans le cadre du contrat de développement 2017-2022. Depuis 2018, la Nouvelle-Calédonie travaille, en outre, à la refonte du système de suivi VMS des navires de pêches qui permet de disposer d’un outil modernisé. Il fait ainsi la démonstration des capacités à développer localement un outil adapté, pour un coût bien inférieur à celui qu’aurait engendré le recours à de grandes entreprises spécialisées.
L’ampleur de la tâche, ajoutée à la multiplicité des compétences requises, a orienté la Nouvelle-Calédonie à recourir à une délégation de maîtrise d’ouvrage pour la surveillance du parc, confiée à la SECAL. Divers comités de suivi ont été mis en place pour aider à la mise en place globale. La phase d’étude 2018-2020 a permis de lancer des opérations pilotes, comme la mise en œuvre du projet de détection de navires au moyen de bouées acoustiques (un appel d’offres était clôturé le 25 janvier 2022), le déploiement progressif de la technologie sentinelles des mers à bord des navires de pêche conçue par la société innovante locale « Island Robotics », le développement de l’application AIS la société calédonienne MAGIS livrable en septembre 2022 et l’acquisition des équipements destinés au futur PC surveillance.
Du 3 au 17 juin 2021, un exercice opérationnel de surveillance a été échafaudé : il impliquait le bureau de l’action de l’État en mer, les forces armées de la Nouvelle-Calédonie, le MRCC, les pêcheurs hauturiers, la société Insight et le service de la Nouvelle-Calédonie en charge du parc de la mer de Corail et de la pêche.
L’État et la Nouvelle-Calédonie doivent prochainement s’accorder sur le choix de la structure opérationnelle de surveillance du parc. Le plan de surveillance devrait être livré en février 2022 et soumis à la validation du gouvernement.
Acquisition de connaissances, inventaires et suivis
En 2021, quelque 12 missions scientifiques se sont déroulées dans le parc, auxquelles s’ajoutent la mission de suivi quinquennale des récifs d’Entrecasteaux pour l’UNESCO et la mission annuelle de suivi des pontes de tortues vertes. « Quatre de ces missions étaient initialement programmées 2020 et ont dû être annulées en raison de la crise sanitaire et de l’immobilisation du navire Amborella en 2020 », précise Manuel Ducrocq. La mise en œuvre des différentes collaborations établies en 2019 et 2020 s’est poursuivie, notamment l’étude des oiseaux marins, la caractérisation des espèces envahissantes, l’étude de la toponymie et la définition des espèces emblématiques. Des partenariats de recherches ont permis la réalisation d’un inventaire archéologique à Walpole en novembre 2020 avec l’Institut d’archéologie de la Nouvelle-Calédonie et du Pacifique (IANCP). Il se poursuivra cette année aux Chesterfield et sur les atolls d’Entrecasteaux. Un état des lieux des récifs des Chesterfield est programmé avec l’Université de la Nouvelle-Calédonie (UNC), sur le même format que les états des lieux UNESCO, en préfiguration de la mise en place d’un suivi pérenne des récifs du parc.
En 2022, cinq thématiques d’étude seront considérées comme prioritaires : les monts sous-marins, leurs écosystèmes associés et leurs ressources; les écosystèmes récifo-lagonaires avec l’exploration de certains récifs aujourd'hui inconnus ; les espèces emblématiques comme les oiseaux et les tortues et, bien sûr, les écosystèmes pélagiques et terrestres. L’impact des plastiques tant à terre qua dans les lagons du parc fera l’objet de toutes les attentions.
Relance du comité scientifique
Le comité scientifique du parc, créé en 2018 dans le but d’asseoir ses décisions sur des éléments scientifiques incontestables, mais également de fournir un appui et un conseil scientifique auprès des instances du parc, avait été renouvelé en 2019 pour une durée de trois ans : il était démissionnaire depuis le 20 janvier 2021.
Le 19 janvier 2022, les quinze nouveaux membres nommés pour trois ans par arrêté du gouvernement ont été réunis pour la première fois : un panel de spécialistes reconnus pour leurs compétences scientifiques dans des domaines variés et, notamment pour leur connaissance des écosystèmes présents au sein du parc naturel de la mer de Corail.
La séance d’installation du comité scientifique nouvellement nommé a permis de procéder à l’élection du bureau : Claude Payri, directrice de recherche à l’IRD a été élue à sa présidence, Pascal Dumas vice-président et Géraldine Giraudeau comme secrétaire. Les membres ont pu prendre connaissance et valider les modalités de fonctionnement du comité fixées par l’arrêté.
Composition du nouveau comité scientifique
Christophe Sand (archéologie), Pascal Dumas (géographie), Géraldine Giraudeau (droit), Samuel Gorohouna (économie), Christophe Menkes (écosystèmes océaniques), Daniel Pauly (halieutique), Claude Payri (écosystème récifo-lagonaire), Bernard Pelletier (géosciences), Bertrand Richer de Forges (écosystèmes profonds), Emmanuel Tjibaou (usages et culture), Éric Vidal (écosystème terrestre), Laurent Wantiez (écosystème récifo-lagonnaire), Valérie Allain (halieutique), Catherine Sabinot (anthropologie).
Le délégué territorial à la recherche et à la technologie est invité à participer aux travaux du comité scientifique avec voix consultative.
Un réseau d’observateurs pour le parc
Dans la continuité des travaux engagés en matière de réglementation et de modalités d’accès aux réserves, l’embarquement d’observateurs reste une piste à développer. Leurs missions consisteraient à relayer les messages sur la réglementation en vigueur, sensibiliser à la protection des écosystèmes et au respect du patrimoine historique et culturel, informer sur les pratiques respectueuses de l’environnement, partager les connaissances sur la faune et la flore tant marine que terrestre, procéder à des observations concernant la faune, la fréquentation ou contribuer à la collecte de données.
Afin de garantir l’efficacité d’une telle démarche, il est nécessaire que les futurs observateurs du parc reçoivent une formation standardisée aboutissant à une certification. La société Merveille a été retenue dans le cadre d’un appel à projets du gouvernement pour une prestation visant à définir la « charte de l’observateur du parc » et construire une formation permettant d’obtenir un agrément spécifique.