Ils préfèrent manger à la cantine
Le deuxième volet de l’opération « Cantines à l’unisson » s’est déroulé le 1er juin. Pas moins de 27 établissements scolaires des trois provinces disputaient ce “concours” de menus. Avec autant de chefs à la baguette, chaque cantine a établi son propre repas. À base de produits locaux. Petit tour au réfectoire du collège d’Auteuil, bichonné par chef Dominique…
« Regardez ! On a l’impression d’être dans un restaurant, pas dans une cantine ! » Prof de français, Florence Steuer est aux anges. Depuis trois ans que Dominique Wing-Ka pilote la cantine du collège d’Auteuil, bien des choses ont changé. Et les enseignants, qui boudaient les lieux, déjeunent désormais chaque midi ou presque à la cantoche ! Membre actif de NeoFood et du dispositif « Recettes bénéfiques », porté par l’association et par le cluster CapAgro NC, Dominique s’est engagé à fond dans l’équilibre alimentaire et l’éducation au goût, contaminant un à un profs et élèves qui, à leur tour, ont décidé de « faire la chasse à la barquette » !
Aujourd’hui à Auteuil, ainsi que dans 26 autres collèges, lycées et internats des trois provinces, se déroule le deuxième volet de l’opération « Cantines à l’unisson » qui réunit quelque 19 000 élèves. Le 8 mars dernier, lors de la première journée, plus de 6,5 tonnes de produits locaux ont été consommés par 12 000 élèves dans 16 cantines du pays, soit un chiffre d’affaires de 3,2 millions de francs pour les filières de production et de transformation locales. Ce jour-là, tous ont eu droit au même menu : salade de coleslaw, saucisse de squash et pommes de terre façon boulangère, sorbet aux fruits.
Un atelier de co-création
Pour l’étape du 1er juin, le concept est différent. Chaque cantine établit son propre menu. Carte blanche, avec une seule condition : respecter le budget, très serré, d’un plateau à 250 F maximum. Au collège d’Auteuil, un atelier de co--création a été organisé en amont avec une vingtaine d’élèves de 5e. « Ça représente une quinzaine d’heures de travail pendant lesquelles les gosses ont déterminé avec moi leur menu “idéal”, donné des noms rigolos aux plats et participé à la production culinaire », explique le chef. Raphaël, 12 ans, en était. « Le chef nous a montré les bases, l’hygiène, ensuite on a épluché les bananes qu’on a mises dans un gros mixeur et on a versé les œufs. C’est la première fois que je faisais la cuisine, ça m’a donné envie », témoigne-t-il. Volontaires, Hilary et Poerava, 12 ans elles aussi, ont également mis la main à la pâte. « On a mis une veste, les sur-chaussures bleues et une charlotte, le chef nous a présenté les autres cuisiniers, puis on a coupé les maniocs et les ignames et rempli plusieurs gros bacs avec. » Dominique a ressenti une franche émulation : « Un des jeunes était particulièrement heureux. Il m’a dit que chez lui ses parents ne cuisinaient jamais, et que dorénavant il allait s’occuper de la pâtisserie ! ».
Bientôt un repas médiéval !
Onze heures, des enfants des trois classes (75 élèves sur les 670 de l’établissement) choisies par rapport à l’implication de leur professeur, aident au premier service. La 505, une classe bien-être, travaille régulièrement avec une diététicienne. Dans le cadre d’un EPI (enseignement de pratiques interdisciplinaires), la 506 de Florence Steuer intègre, avec plusieurs profs, l’alimentation dans plusieurs matières. « Nous allons prochainement organiser un repas médiéval, annonce la prof de français. Et nous ferons réaliser par les élèves une petite vidéo pour illustrer le thème “Je suis ce que je mange”. » L’enseignante se félicite du pont tendu par Dominique le chef, entre cuisines et classes. « La cantine nous apporte un dynamisme pluridisciplinaire qu’on n’avait jamais vu, elle est devenue un lieu de plaisirs gustatifs. Les élèves ont compris que les produits locaux étaient bons pour la santé et qu’il fallait faire fonctionner l’économie locale. Aujourd’hui, le sentiment qui domine est la fierté d’avoir conçu le menu, ou travaillé en atelier ou encore cuisiné. »
L’appareil photo de Morgane Cifra, prof d’histoire-géo, crépite à l’envi : les plateaux, le service, la dégustation, les rires. « J’ai connu plusieurs établissements avant celui-ci, mais c’est bien la première fois qu’on a des échanges directs avec la cantine. On est super heureux de travailler avec Dominique. Les enfants deviennent acteurs de ce qu’ils mangent, c’est génial ! » René Rolly, le principal, ne boude pas lui non plus son plaisir. « Le collège est inscrit depuis trois ou quatre ans dans l’opération “Manger mieux bouger plus”. Le chef a progressivement développé une démarche qualité d’amélioration des contenus, de valorisation des produits locaux, et de sensibilisation aux vertus de la production et de la transformation locales. On a vraiment de la chance d’avoir cette équipe en cuisine ! Même si faire manger des légumes aux enfants reste très difficile. Mais malgré les grimaces, on les maintient au menu ! »
Vers la transition alimentaire
Midi, les élèves du second service terminent d’avaler leur “gâteau magique de Cendrillon”. Le test (sensoriel et visuel) du jour sera consigné par chacun sur des fiches d’évaluation. Mathieu a apprécié. Tout particulièrement la salade de thon et les frites de manioc, même s’il avoue préférer celles à base de patates. Il trouve que la cantine a changé. « Pas au niveau du goût, c’est à peu près pareil. Mais au niveau des aliments, maintenant il y a du taro, de l’igname… » Le menu le plus plébiscité parmi les 27 à concourir gagnera… la reconnaissance éternelle du ventre des testeurs. « Les objectifs sont toujours les mêmes, conclut Dominique. Intégrer un maximum de produits locaux, trouver du plaisir à préparer le menu, en donner aux enfants, et continuer à fédérer la communauté des chefs de cantine à travers un projet qui, à long terme, vise la transition alimentaire ».
Le menu proposé
- Salade de Némo (thon blanc) dans un bain de lait de coco (avec de la citrouille et de la chouchoute râpée, des tomates…)
- Délicatesse de Winnie (du porc) ou « mi cuit cuit » de thon coulis des abeilles et gingembre –garniture : tubercule (igname) chauffé à la foudre de Zeus et frites du Caillou (de manioc)
- Gâteau magique de Cendrillon (à la citrouille et à la banane, avec une barre de céréales riz soufflé plantée dedans)
Le PPRB a un an
Soutenu par le gouvernement à travers le label « Stratégie territoriale pour l’innovation », le projet pilote Recettes bénéfiques (PPRB) a été lancé le 28 avril 2017. Son objectif, augmenter la part des produits locaux dans les repas servis aux enfants, manger sain, avec plaisir, contribuer à aller vers l’autosuffisance alimentaire et lutter contre la malbouffe. Depuis, les concepteurs du PPRB expérimentent avec un réseau de chefs de cuisine interconnectés de nouvelles recettes, se déplacent dans les cantines, impliquent les enfants. En parallèle, ils ont créé une plate-forme digitale, outil interactif d’information et d’échanges (recettes, expertise, astuces, contraintes…), pour le grand public, les chefs et leurs fournisseurs. Chaque jour, 65 000 repas sont servis dans les établissements scolaires de Calédonie.