Égalité professionnelle ? Y’a encore du travail !

Égalité professionnelle ? Y’a encore du travail !

12 avril 2018

Emploi et travail Société

Égalité professionnelle ? Y’a encore du travail !

À l’occasion du séminaire sur le thème de l’égalité professionnelle, organisé le 10 avril par la province Sud, Magda Bonal-Turaud, directrice du Travail et de l’emploi, et Thierry Xozame, directeur adjoint du pôle administration générale et pilotage de la DTE, ont présenté la situation en Nouvelle-Calédonie. Ici comme ailleurs, l’égalité n’est pas encore atteinte.

Après avoir fait part de sa « colère devant l’injustice qui demeure encore en 2018 », la directrice de la DTE a évoqué « une situation contrastée, pas vraiment satisfaisante ».  En effet, si sur le plan juridique, la Nouvelle-Calédonie dispose d’un corpus de lois qui assurent l’égalité professionnelle, les faits montrent que les inégalités existent et persistent.

Sur le papier donc, l’égalité professionnelle est d’abord assurée par l’interdiction des discriminations, à travers un certain nombre de textes constitutionnels, rappelés par Thierry Xozame : article 3 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 selon lequel « la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme » et article 1 de la Constitution qui stipule que « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales ».

L’égalité professionnelle prévue par le Code du travail

Cette égalité est également consacrée au niveau international, la Nouvelle-Calédonie ayant adhéré à la plupart des conventions ratifiées par la France, notamment celles sur l’égalité de rémunération (1951) et sur la discrimination (1958). Le Code du travail de la Nouvelle-Calédonie garantit lui aussi l’égalité professionnelle. Son deuxième chapitre interdit toute forme de discrimination. Le code précise aussi que « l’appartenance à un sexe ne doit pas être prise en considération pour le recrutement – sauf si l’appartenance à l’un ou l’autre sexe constitue une condition déterminante de l’exercice de l’activité professionnelle –, la relation de travail et les salaires ».

Les conditions de l’égalité professionnelle sont également assurées par l’interdiction du harcèlement moral et sexuel. Enfin, l’égalité au travail est favorisée par la protection de la maternité et les droits en matière de parentalité. Les articles Lp. 126-1 et suivants du Code du travail protègent la femme durant sa grossesse des discriminations dues à son état et interdisent son licenciement durant son congé maternité, en dehors d’une faute grave de l’intéressée. « Ces articles prévoient également des dispositions particulières en faveur de la parentalité, à l’image des droits en matière de congé d’adoption ou du congé parental d’éducation », souligne Magda Bonal-Turaud.

Une réalité bien différente des textes

Voilà pour les textes. Dans la pratique, les chiffres fournis par l’IDC-NC décrivent une réalité contrastée qui prouve que l’égalité entre les femmes et les hommes n’est pas encore au rendez-vous. En matière d’accès à l’emploi, si les femmes représentaient 62 % des étudiants en 2016, elles ne constituaient que 54 % des demandeurs d’emploi. « Bien qu’elles soient plus diplômées, elles sont moins souvent en emploi et davantage en recherche d’emploi que les hommes, constate la directrice. Je reste convaincue que cette situation trouve en partie son origine dans la persistance de stéréotypes dans les recrutements : la femme serait plus souvent absente que l’homme en raison de la maternité ; les hommes seraient plus compétents et plus disponibles… ».

Même chose au niveau des salaires. En 2016, l’écart moyen de rémunération entre les hommes et les femmes cadres était de 17,8 % en faveur des hommes. Ainsi, plus le poste occupé est qualifié, plus l’écart salarial entre hommes et femmes est important. Bien évidemment, ce différentiel ne résulte pas d’une grille salariale. Et les postes à responsabilité élevée sont plus souvent occupés par des hommes, dans le public comme dans le privé. « J’ai récemment reçu le bilan social d’une banque dans lequel il apparaît que 70 % de l’effectif est féminin, que 16 % d’entre elles occupent un emploi de cadre, contre 41 % chez les hommes, poursuit Magda Bonal-Turaud. Enfin le salaire de base moyen est de 421 000 F pour les femmes et de 548 000 F pour les hommes ! Un écart important, néanmoins en diminution par rapport à l’année précédente ».

Quid du harcèlement sexuel ? « Il est certainement très sous-estimé car peu évoqué. » Confrontées à une situation de ce type, les femmes préfèrent en effet quitter l’entreprise. Pourtant, l’inspection du travail est de plus en plus souvent saisie de ces questions. Gestes déplacés, propos diffamatoires, attitudes discriminantes, lentement tout le monde prend par ailleurs conscience que certaines situations ne sont ni normales ni admissibles.

Lutter contre les stéréotypes sociaux

Maintenant, comment faire évoluer la situation et tendre vers une véritable égalité professionnelle ? « Le défi va être difficile à relever, avoue la cheffe de la DTE. Pour le moment, on ne ressent pas un réel engouement pour le sujet… » Des pistes se dessinent cependant. Selon le Bureau international du travail (BIT), l’élimination des écarts salariaux entre hommes et femmes passe par « la lutte contre les stéréotypes sociaux selon lesquels certains types d’activités conviendraient mieux aux hommes qu’aux femmes et la mise en place de dispositifs permettant aux femmes comme aux hommes de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle ». Autres mesures à adopter, le renforcement du cadre législatif, notamment sur la parentalité, et une meilleure prise en charge des jeunes enfants, leur garde freinant nettement l’accès à l’emploi des mamans calédoniennes.

 

Magda Bonal-Turaud, directrice du Travail et de l’emploi, et Thierry Xozame, directeur adjoint du pôle administration générale et pilotage.

Magda Bonal-Turaud, directrice du Travail et de l’emploi, et Thierry Xozame, directeur adjoint du pôle administration générale et pilotage.

 

 

 

Harcèlement moral et sexuel : ce que prévoient les textes

En Nouvelle-Calédonie, la loi du 17 octobre 2011 introduit dans le Code du travail deux articles définissant le harcèlement moral et le harcèlement sexuel au travail et leur régime juridique. En matière de harcèlement moral, « sont interdits, les agissements répétés à l’encontre d’une personne, ayant pour but une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel » (article Lp. 114-1).

Par ailleurs, le harcèlement sexuel est constitué par « des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui portent atteinte à la dignité de la personne en raison de leur caractère dégradant ou humiliant […]. Est assimilée à du harcèlement sexuel toute forme de pression grave, même non répétée, dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle […] » (article Lp. 115-1).

Sur le plan civil, les faits de harcèlement moral et/ou sexuel sont passibles d’une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement. Les sanctions pénales s’élèvent à deux ans d’emprisonnement et une amende de 3 579 952 F, peines portées à trois ans d’emprisonnement et 5 369 850 F d’amende selon les cas, notamment quand les actes sont commis par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions.

 

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