Tournée d’hommage aux disparus de la Monique

Tournée d’hommage aux disparus de la Monique

16 août 2022

Culture

Les commémorations se sont déroulées dans de nombreuses communes de la Nouvelle-Calédonie pour se terminer à Maré ou une stèle est érigée à Tadine depuis 1978.

Les commémorations se sont déroulées dans de nombreuses communes de la Nouvelle-Calédonie pour se terminer à Maré ou une stèle est érigée à Tadine depuis 1978.

Pendant une semaine, la Nouvelle-Calédonie a vécu au rythme des célébrations organisées en souvenir des 126 disparus de la Monique. Retour sur cet événement pays placé sous le signe de l’émotion. Lancée à Nouméa le 25 juillet, la commémoration a voyagé jusqu’à Maré en s’achevant le 31 juillet, devant la stèle érigée depuis 1978.  

Il y a 69 ans disparaissaient mystérieusement entre Maré et Nouméa, le navire la Monique, avec à son bord, 108 passagers et 18 membres d’équipage. À Nouméa, Bourail, Koné, Ouvéa, Lifou, Tiga et Maré, les cérémonies du souvenir se sont succédé, guidées par le respect de la dignité des familles des disparus. Un prélude à l’anniversaire des 70 ans.

Première étape à Nouméa

L’émotion était palpable ce lundi 25 juillet au musée maritime de Nouvelle-Calédonie pour le lancement officiel de la semaine de commémorations, partagées pour la première fois par tous les Calédoniens. Le président du gouvernement Louis Mapou a expliqué l’importance de s’approprier collectivement cette histoire « pour cultiver le sentiment d’appartenance à la terre de Nouvelle-Calédonie ». Un devoir de mémoire qui doit, selon Louis-José Barbançon, historien et président du comité de pilotage, passer par la jeunesse. Une jeunesse qui s’est brillamment illustrée lors de cette première soirée. Marita, collégienne, a cueilli l’auditoire avec son interprétation acoustique guitare voix tout en douceur, du chant composé par Abraham Manane avant de laisser les élèves de la classe CHAM du collège Georges-Baudoux entonner le fameux chant Sheusheu.

Le président du gouvernement, Louis Mapou, et Michaël Forrest, membre du gouvernement en charge de la culture, ont participé au lancement de la tournée d’hommage au musée maritime.

Le président du gouvernement, Louis Mapou, et Michaël Forrest, membre du gouvernement en charge de la culture, ont participé au lancement de la tournée d’hommage au musée maritime.

 

La soirée s’est poursuivie au Conservatoire de musique et de danse en présence des familles de disparus et d’officiels. Chants polyphoniques, lectures de textes, chorégraphies et témoignages ont rythmé ce moment de partage.

Koné

Le centre culturel Pomémie, en partenariat avec le centre culturel Goa Ma Bwarhat de Hienghène, a accueilli le 26 juillet une exposition réalisée par les élèves des collèges de Tieta à Voh et de Païamboué à Koné. Noélla Poemate, professeur de français au collège de Tieta en est persuadée, « il faut donner aux enfants l’opportunité de garder ces événements-là en mémoire par le biais de ce qu’ils maîtrisent le mieux, pour l’instant le dessin ou l’écriture pour certains. Le but est qu’ils puissent à leur tour, transmettre ce bout d’histoire ». Excellent vecteur de transmission, l’art a permis aux adolescents de s’approprier cette tragédie en la revisitant à travers des dessins et scénarii tout droit sortis de leur imagination.

Les élèves des collèges de Païamboué.

Les élèves des collèges de Païamboué.

 

Les jeunes avaient également préparé des chants en hommage aux disparus, à l’instar du groupe Becim.

Cette journée a été l’occasion pour Maguy Poaragnimou, sœur d’un disparu originaire de Hienghène, de livrer pour la première fois son témoignage en public. Elle avait cinq ans au moment du drame.

Bourail

Mercredi matin, les membres du comité de pilotage ont rencontré à son domicile Charles Ohlen, fils du capitaine de la Monique, qui a partagé son récit personnel très émouvant.

Charles Ohlen avec une partie de la délégation du comité de pilotage et des membres de l’organisation de Bourail.

Charles Ohlen avec une partie de la délégation du comité de pilotage et des membres de l’organisation de Bourail.

 

Dans la soirée, les membres du comité de pilotage ont présenté un geste aux coutumiers du district de Ny avant la projection de La Monique : une blessure calédonienne.  « La commune compte de nombreuses personnes affectées par la disparition de proches survenue le 31 juillet 1953 », a indiqué Patrick Robelin, le maire de la commune.

Les descendants des disparus ont ensuite témoigné, à l’image de Louis-José Barbançon qui a lu l'un de ses textes en hommage à son père, embarqué en tant que mécanicien en second à bord de La Monique. La soirée s’est achevée en musique, avec notamment le titre Sheusheu.

Ouvéa

Jeudi, direction les îles où, pour la première fois, les habitants d’Ouvéa ont à leur tour rendu hommage aux disparus. Parmi eux, 34 étaient originaires de l’île. Cette journée placée sous le signe de la transmission, a laissé place à de nombreux temps forts : coutume, dépôt de gerbes et recueillement, témoignages, chants, poèmes et partage, en présence de Mickaël Forrest, membre du gouvernement chargé notamment de la culture. La commémoration s’est achevée par un lancer de fleurs dans à mer.

La foule était nombreuse à Ouvéa pour célébrer les disparus de la Monique.

La foule était nombreuse à Ouvéa pour célébrer les disparus de la Monique.

 

Tiga

La plus petite des Loyauté n’a pas été oubliée. Le comité de pilotage s’y est arrêté pour rencontrer les coutumiers en préfiguration de la cérémonie des 70 ans. Les résidents ont été conviés à prendre part aux événements qui se dérouleront l’année prochaine.

Lifou

L’île de Lifou est celle qui compte le plus de ses ressortissants parmi les disparus. Malgré le temps pluvieux, c’est avec une grande émotion que se sont déroulées les commémorations de la disparition de La Monique samedi 30 juillet. À Xépénéhé, la « première pierre » de la future stèle, matérialisée par des sculptures en bois, a été posée pour perpétuer le souvenir. Les élèves des différentes écoles de l’île ont participé à ce devoir de mémoire en proposant des chants, des poésies et des slams qui ont rythmé la journée. Les participants se sont ensuite rendus au bord de mer pour y lancer des fleurs en souvenir des disparus.

Beaucoup d’émotion aux diverses cérémonies organisées sur l’île de Lifou.

Beaucoup d’émotion aux diverses cérémonies organisées sur l’île de Lifou.

 

Dimanche, fin du voyage à Maré

Depuis 1978, année où une stèle a été érigée à Tadine, les habitants de Maré sont les gardiens de la mémoire des victimes. L’île est le dernier endroit où le caboteur a été vu avant de disparaître mystérieusement cette nuit du 31 juillet 1953.    Une cérémonie y est organisée à chaque date anniversaire depuis 2018. Il était donc évident, pour les organisateurs, que la semaine s’achève le 31 juillet à Maré.

La jeunesse, symbole de la transmission de l’histoire, a été très impliquée dans l’ensemble des manifestations.

La jeunesse, symbole de la transmission de l’histoire, a été très impliquée dans l’ensemble des manifestations.

 

Après une minute de silence autour de la stèle, des élèves de primaire ont chanté la Monique, perpétuant, à l’instar des générations qui les ont précédés, le souvenir de leurs disparus.

La jeunesse, symbole de la transmission de l’histoire a été très impliquée dans l’ensemble des manifestations organisées pour ce 69e anniversaire.

Cette semaine mémorielle qui préfigurait les 70 ans de la disparition, a selon Louis-José Barbançon « atteint et même dépassé ses ambitions ». « On ne s’attendait pas à un tel élan, à une vraie reconnaissance ressentie et exprimée de la part notamment des familles qui ont vraiment adhéré à la démarche ». Le président du comité de pilotage a également évoqué les limites de la manifestation. « Est-ce que tous les ans, on doit convoquer la douleur ? La charge émotionnelle était tellement forte, surtout lors de la soirée au Conservatoire ! »

 La question est posée pour la préparation des commémorations qui se tiendront l’année prochaine. L’heure est donc au bilan et à la réflexion sur la manière de rendre la Monique vivante pour tous les Calédoniens. « On s’est aperçu que la Monique représentait vraiment quelque chose de fort qui fédérait. Maintenant qu’on en a pris conscience, il faudra mettre les moyens pour que cet événement s’inscrive dans le calendrier culturel du pays ».

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