27 statuettes du bagne retrouvent leur terre natale

27 statuettes du bagne retrouvent leur terre natale

16 septembre 2022

Culture

La cérémonie de don s’est déroulée devant un parterre de connaisseurs en présence de Mickaël Forrest, membre du gouvernement chargé de la culture, d’Yves Mermoud, président de l’association Témoignage d’un passé et Didier Tappero, directeur général d’Airc

La cérémonie de don s’est déroulée devant un parterre de connaisseurs en présence de Mickaël Forrest, membre du gouvernement chargé de la culture, d’Yves Mermoud, président de l’association Témoignage d’un passé et Didier Tappero, directeur général d’Airc

Un ensemble de 27 statuettes fabriquées à l’époque du bagne et appartenant à Philippe Collin, petit-fils d’un ancien médecin de la pénitentiaire, a été offert mercredi 14 septembre au site historique de l’île Nou, géré par l’association Témoignage d’un passé. Un don précieux pour le patrimoine calédonien.

Le moment est important. Sous les yeux attentifs de connaisseurs, Philippe Collin a déballé d’une main tremblante les 27 statuettes dont il a hérité de son grand-père Léon Collin, médecin pénitentiaire ayant œuvré au bagne de Nouvelle-Calédonie de 1910 à 1914. Cent-dix ans plus tard, elles sont de retour sur la terre de bagne qui les a vues naître : le site historique de l’île Nou. « Il est important de faire passer les idées, les récits, mais aussi les objets. Je suis heureux de participer modestement à ce travail de mémoire et de partage », a déclaré Philippe Collin. Un geste inestimable pour l’équipe de l’Association témoignage d’un passé qui a travaillé main dans la main avec le gouvernement et Aircalin pour faire revenir les figurines sur le Caillou. Pour Mickaël Forrest, membre du gouvernement chargé de la culture, « ce don donne vraiment du sens au travail mémoriel entrepris par le gouvernement depuis 2021 ».

Témoignage du bagne

Ces petits personnages d’une dizaine de centimètres ont été façonnés par un bagnard prénommé Alexandre Gérard, à la demande du médecin Léon Collin. Condamné à la déportation à l’Île des Pins, puis aux travaux forcés au bagne de l’île Nou, il a sculpté et vendu ces statuettes afin d’améliorer un peu son quotidien. Les montrer, « c'est redonner la parole à Gérard, qui est un bagnard parmi d'autres » a déclaré Philippe Collin. « La plus grande des hantises de ces hommes qui étaient déportés, c'était d'être oubliés. » Cette « camelote », du nom donné aux œuvres réalisées par des condamnés du bagne, s’est enrichie de lettres échangées entre le bagnard et le médecin. Elle constitue un précieux témoignage de la vie au bagne.

Scènes de vie du monde kanak

Il y a le pilou, la file indienne ou encore les musiciens. Trois tableaux de 27 statuettes en terre séchée dont l’état de conservation impressionne. « Les couleurs sont extrêmement vives et les traits des visages, les pigments, tout est encore en parfait état », s’est réjoui l’archéologue Louis Lagarde. Chaque tableau représente des scènes de vie du monde kanak. « On se rend compte à quel point le monde kanak a inspiré les déportés », a souligné l’archéologue. « Ils ont représenté les traits du visage kanak d’une belle manière, avec noblesse et beauté ».

Inscription à l’Unesco

Par leur retour, les statuettes permettront d’appuyer le dossier d’inscription au patrimoine mondial de l’Unesco, dont les démarches commencent tout juste. « Lors de son discours de politique générale, le président Louis Mapou a annoncé sa volonté d’inscrire le bagne calédonien à L’Unesco », a expliqué Yves Mermoud, président de l’association Témoignage d’un passé. Une démarche qui ravit les membres de l’association, qui militent dans ce sens depuis de nombreuses années. « Le gouvernement a validé une feuille de route qui intègre toutes les communautés calédoniennes et qui rappelle la valeur universelle exceptionnelle du bagne », a indiqué Mickaël Forrest. « Il est la racine involontaire, quelque part, de notre futur destin commun parce que toutes les communautés ont été, de près ou de loin influencées », a rappelé l’archéologue Christophe Sand.

Le site historique de l’île Nou devrait intégrer les 27 statuettes de manière permanente dans sa muséographie.

Le site historique de l’île Nou devrait intégrer les 27 statuettes de manière permanente dans sa muséographie. 

 

 

 

Statuettes en itinérance

Les 27 statuettes modelées par le bagnard Gérard et confiées à l’association Témoignage d’un passé par la famille Collin, seront officiellement présentées au grand public lors du Festival Caledonia, qui se tiendra du 22 au 25 septembre au centre culturel Tjibaou. Elles seront exposées le samedi 24 et le dimanche 25, à l’exposition Les Kanak et le bagne. Puis, elles intégreront de manière permanente la muséographie du site historique de l’île Nou.

 

Site historique de l’île Nou

De 1864 à 1927, plus de 22 000 forçats ont été condamnés et transportés en Nouvelle-Calédonie. Le principal pénitencier du bagne était établi sur l’île Nou, dans l’anse Paddon. Depuis 1996, l’association Témoignage d’un passé assure la gestion du site avec l’appui des institutions dont le gouvernement. Ses bénévoles s’efforcent de rappeler cette page de l’histoire calédonienne par ses actions de sensibilisation à destination des scolaires et du grand public.

Le musée de l’île Nou a ouvert ses portes au public le 12 mai 2021, avec un pavillon d’accueil flambant neuf et un espace muséographique au sein de l’ancienne boulangerie du bagne, elle-même restaurée en 2015.

 

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