Des marchés publics tournés vers l’insertion

Des marchés publics tournés vers l’insertion

20 juin 2019

Aménagement du territoire Économie

Les chantiers représentent le plus gros potentiel en termes de volume d’heures et de publics concernés.

Les chantiers représentent le plus gros potentiel en termes de volume d’heures et de publics concernés.

Adoptée par le Congrès le 20 mars 2019, la délibération n° 424 sur la réglementation des marchés publics remplacera au 1er janvier 2020 la D 136 du 1er mars 1967. Une réforme portée par la direction des Achats, du patrimoine et des moyens (DAPM) de la Nouvelle-Calédonie, et qui prévoit notamment d’intégrer aux marchés publics des clauses sociales à partir du 1er janvier 2020. Une vraie opportunité pour les organismes d’insertion et les publics très éloignés de l’emploi.

À l’image d’Active* et de la MIJ* province Sud, les structures d’insertion par le travail (SIT) ont pour mission de faciliter l’embauche ou le retour vers le travail de personnes en difficultés. Mais les opportunités d’emploi sur un marché en tension ne sont pas légion. Raison pour laquelle la réforme des marchés publics a prévu de renforcer les dispositifs sociaux en favorisant l’introduction de marchés ou de lots réservés aux SIT.

La réglementation distingue quatre modes d’intégration des aspects sociaux : les marchés de gré à gré, pour des chantiers d’insertion confiés, sans mise en concurrence, à des SIT agréées par la Nouvelle-Calédonie, sous le seuil de 40 millions de francs ; des contrats supérieurs à 20 millions de francs, après mise en concurrence adaptée avec des règles de consultation simplifiées, dès lors que l’objet est l’insertion sociale ou professionnelle 
; les marchés, lots ou parties de lot réservés aux SIT dans la limite de 30 % du montant de l’opération ; et enfin des 
critères sociaux de choix de l’offre et de conditions d’exécution du marché .

Le rôle des organismes d’insertion

« Si l’on veut que le mécanisme soit vraiment efficace, que les acteurs de l’insertion ne restent pas de simples sous-traitants ou opérateurs économiques lambdas, il faut que la définition de la clause sociale par le maître d’ouvrage leur permette d’avoir un poids contractuel, de défendre leurs publics. Et pour cela, ils doivent en amont commencer par structurer leur offre avec un certain nombre d’entreprises », prévient Camille Kupisz, directeur de la DAPM.

Comment ? Vraisemblablement en se regroupant pour, d’une seule voix, se tourner vers le privé et aider les entreprises à répondre aux appels d’offres, tout en s’occupant du suivi des personnes recrutées grâce aux clauses sociales. 
Auparavant, ces organismes devront se concerter pour formaliser  le panel des compétences de leurs publics, 
le volume de prestations qu’ils peuvent proposer, les coûts engendrés ou encore
 l’organisation nécessaire pour assurer une continuité des prestations et donner une garantie d’exécution du marché aux entreprises assujetties à une clause d’exécution sociale. 


Six mois pour se préparer

Le panel de la commande publique est très large, avec trois types de marchés susceptibles d’intégrer des publics en difficultés et du personnel pas spécialement qualifié : les prestations de services (secrétariat…), les fournitures de biens (livraison mobilier, montage, réparations…) et les chantiers (construction, routes), qui représentent de très loin le plus gros potentiel en termes de volume d’heures, de publics concernés – du manœuvre au chef de chantier – et d’investissement (8 ou 9 milliards de francs dédiés chaque année au BTP).

Dans les prochaines semaines, Active, la MIJ, mais aussi les associations de femmes victimes de violences, les structures œuvrant en faveur des personnes en situation de handicap, la DPJEJ*, la Rapsa*, le SPIP*, se rencontreront pour établir un plan commun. D’ici au 1er janvier 2020, il leur reste un peu plus de six mois. « Il est plus difficile d’exécuter un marché avec des personnels en insertion qu’avec des professionnels qualifiés », rappelle Camille Kupisz. En Métropole, le dispositif, lancé il y a une dizaine d’années, a mis du temps à donner satisfaction. « Pour éviter cela, il faut que les acteurs de l’insertion et les entreprises définissent rapidement comment ils travailleront ensemble, insiste le directeur de la DAPM. Sinon le levier ne fonctionnera pas ».

Très concrètement, la DAPM lancera bientôt des appels d’offres comportant des clauses sociales, notamment sur les parties allotissement ou pourcentage de marchés réservés. Ils auront valeur de test.

* Association calédonienne pour le travail et l'insertion vers l'emploi ; Mission d’insertion des jeunes ; Direction de la protection judiciaire de l’enfance et de la jeunesse ; Réintégration des anciens prisonniers dans une société accueillante ; Service pénitentiaire d’insertion et de probation

Un guide spécialisé

La DAPM a élaboré un « Guide sur les aspects sociaux de la commande publique », document téléchargeable sur le lien ci-dessous. Parmi ses recommandations, traiter de manière égale les candidats et ne pas limiter la concurrence, calibrer les clauses d’exécution en fonction de la capacité des publics et de l’effort de la collectivité, ou encore laisser le candidat libre de choisir entre embauche directe, contrats en alternance, sous-traitance… en évitant de trop cibler et de risquer de réduire ainsi le nombre de réponses.

 GUIDE SUR LES ASPECTS SOCIAUX DE LA COMMANDE PUBLIQUE

Témoignages

- Philippe Martin, directeur de la DFPC* : « Le fait d’introduire des clauses sociales dans les marchés publics va permettre de mobiliser des crédits affectés par la collectivité aux marchés à une action d’insertion professionnelle. Nous aurons ainsi de nouvelles marges de manœuvre pour accompagner prioritairement les publics les plus éloignés de l’emploi. La Nouvelle-Calédonie peut jouer le rôle de facilitateur, par le biais de la DTE* ou de la DFPC qui ont une approche complète des publics susceptibles de bénéficier des clauses sociales, ainsi que l’expertise nécessaire. Mais le Groupement pour l’insertion et l’évolution professionnelles (GIEP-NC), notre instrument phare, peut lui aussi être facilitateur, voire offrir des prestations aux entreprises pour accompagner les publics concernés. »

- Marie-Madeleine Lequatre, directrice de la MIJ : « Aujourd’hui on a très peu de solutions à proposer aux jeunes, l’offre de formation professionnelle est réduite, le marché de l’emploi hyper tendu. Alors, pouvoir leur donner des opportunités de se mettre en situation de travail grâce à de telles clauses représente un vrai levier. Et pour nous, associations, il s’agit de possibilités de développement et de financement supplémentaires non négligeables. Nous avons six mois pour nous structurer avec les collectivités et le secteur professionnel, afin de répondre à la commande. »

- Sébastien Lemoine, coordonnateur des politiques de sécurité et de prévention de la délinquance au gouvernement : « Étudier la mise en œuvre d’une clause sociale d’insertion dans les marchés publics était l’objectif de l’action n° 121 du Plan territorial de sécurité et de prévention de la délinquance 2018-2022 (PTSPD) adopté par le Congrès le 12 mars 2018. Il faut désormais que les acteurs locaux se structurent avant l’échéance du 1er janvier 2020, pour permettre à tous ces jeunes qui ne trouvent pas de formation et ne sont pas des publics cibles pour les entreprises, d’emprunter un chemin de réussite plus vertueux. »

* Direction de la Formation professionnelle continue ; Direction du Travail et de l’emploi

 

 

 

 

 

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