Dans les galeries du Médipôle…
Cette semaine, les tableaux de Stéphanie Wamytan ont été décrochés du grand hall d’entrée. Des baleines géantes, œuvres signées Mathieu Venon, les ont remplacés. Dans le couloir, entre les pôles chirurgie et mère-enfant, une exposition sur le kaneka succède à quarante photos consacrées à la fête du Toka à Tanna. À travers le Projet culturel du Médipôle, mis en place par le gouvernement, la culture s’ouvre à l’hôpital et confirme ses vertus thérapeutiques.
Mardi, les six tableaux de l’exposition Identité de Stéphanie Wamytan, dont le triptyque « Esprit de la nature », ont été décrochés des cimaises dans le grand hall d’accueil. Ils étaient exposés depuis l’ouverture du Médipôle en novembre et exprimaient le cheminement mental de l’artiste sur le travail qu’elle a créé pour la signalétique de l’hôpital : la graphie, son empreinte, son identité plurielle et métisse. « J’ai été très honorée d’être la première accueillie dans cet espace, témoigne-t-elle. Au début, le hall était un peu vide, mais aujourd’hui il est mieux agencé, plus chaleureux, on n’a pas l’impression de pénétrer dans un hôpital ».
Les œuvres de Stéphanie Wamytan ont été remplacées cette semaine par d’autres toiles géantes, issues d’une ancienne exposition de Mathieu Venon, il y a dix ans à la bibliothèque Bernheim, intitulée Chaque baleine est une île, et rebaptisée pour la circonstance La saison des baleines. « J’ai choisi les tableaux les plus apaisants, en évitant les toiles sanguinolentes sur leur massacre. Montrer des peintures à des personnes qui viennent ici se faire soigner peut leur faire du bien, à condition qu’elles ne soient pas anxiogènes. Et pour un artiste, du point de vue de la visibilité, c’est toujours intéressant d’être exposé dans des lieux de grand passage, comme le hall du Médipôle. »
« Toute l’année seront présentés des grands formats d’artistes locaux, confirme Gilbert Bladinières, chargé de mission pour le Projet culturel du Médipôle. Plusieurs idées sont en cours de réflexion. Comme la possibilité de créer une sorte de “cadavre exquis”* dans lequel chaque artiste interviendrait sur une œuvre précédemment exposée par un collègue. Une manière pour l’art plastique de devenir support vivant ».
En partenariat avec le centre culturel Tjibaou
Au niveau rez-de-jardin, le long du couloir de l’interpôle situé entre les pôles chirurgie et mère-enfant, une autre expo en chasse elle aussi une autre. Depuis novembre également, les quarante porte-vues proposaient, en partenariat avec le centre culturel Tjibaou, des clichés de Pierre-Alain Pantz sur le thème de la fête du Toka à Tanna. « Nous avons eu beaucoup de retours positifs, à la fois des patients et du personnel, indique Gilbert Bladinières. Ils ont aimé cette approche très colorée, vivante, avec les visages des enfants, des danseurs ; une bouffée d’oxygène dans l’hôpital ».
Ces très belles photographies avaient au préalable été présentées par l’ADCK dans l’allée centrale du centre culturel Tjibaou. « L’idée est de faire circuler les expositions tout en faisant entrer la culture à l’hôpital, explique Petelo Tuilalo, responsable du département des arts plastiques et expositions à l’ADCK. De participer au bien-être à l’intérieur du Médipôle, tant des patients et de leurs familles que des personnels soignants. En permettant au public, quel qu’il soit, de “déstresser” et de voir l’hôpital autrement, une œuvre peut avoir des vertus thérapeutiques ».
Au revoir Tanna, place à Kaneka, un air du pays, une série de quarante affiches valorisant différents groupes de kaneka, des années 1970 à aujourd’hui : Bethela, Ydal, Kirikitr, Bwanjep, Gurejele et autres A7JK. Réalisée par Virginie Soula et Fany Torre, l’expo a été accrochée mardi au centre Tjibaou dans le cadre de la Fête de la musique. Tirée en double exemplaire, elle sera donc présentée simultanément au Médipôle où elle restera cinq mois, jusqu’au 19 novembre. Consacrée à la grande case, la suivante proposera des photos anciennes issues du fonds iconographique de la médiathèque de l’ADCK.
Un nouveau public pour les artistes
« L’objectif du Projet culturel du Médipôle est de faire vivre la culture à l’hôpital », reprend Gilbert Bladinières. Ce projet compte deux dimensions : la présentation d’œuvres d’art contemporaines mais aussi l’intégration d’outils destinés à la pratique de la culture. Si les espaces d’exposition fonctionnent bien, les lieux de diffusion de spectacles vivants ne sont pas encore opérationnels à 100 % (lire encadré). Mais l’objectif est déjà atteint car, comme le dit Stéphanie Wamytan, le public de l’hôpital est bien différent du public généralement fréquenté par les peintres ou les plasticiens. « Ce ne sont pas forcément des gens qui s’intéressent à l’art et qui ont l’habitude de pousser les portes d’une galerie. » Si tu ne vas pas à la culture, la culture ira à toi…
* Jeu inventé par les surréalistes, et notamment par Jacques Prévert, dont le principe consiste à créer un texte ou un dessin collectif sans que les participants puissent s’inspirer de ce qui a été fait avant
200 œuvres exposées
Près de soixante sculpteurs, plasticiens, photographes, designers… ont répondu aux appels à candidature lancés par le gouvernement pour livrer des œuvres uniques et inédites dans le cadre du 1 % culturel et artistique du Médipôle, avant de travailler selon des thèmes et contraintes techniques propres à chaque espace. Aujourd’hui, pas moins de 324 pièces sont recensées au Médipôle : sculptures à chaque étape du Jardin des traversées, fresques dans les patios des urgences, tableaux aux murs des salles d’attente, décorations du pôle mère-enfant, de l’unité douleur ou du centre de radiothérapie…
La colonne culturelle en marche
Les coursives reliant, sur trois niveaux, les pôles chirurgie et mère-enfant, constituent un peu « la colonne culturelle » de l'hôpital. Le rez-de-jardin abrite, on l'a vu, une expo photos temporaire (ci-dessous, « Kaneka, un air du pays »). Le 1er étage accueillera en 2018 une médiathèque de quelque 2 000 ouvrages mis à disposition des patients. Le matin, un chariot circulera dans les services pour le prêt de livres. Un espace enfants, un lieu de lecture et une table ronde destinée à organiser des rencontres compléteront le dispositif. Au 2e étage, l’espace « Cinévasion » dans lequel est installé un grand écran pour la projection de courts-métrages et documentaires locaux et de films pour enfants, propose en outre des spectacles (musique…). Il devrait être équipé sous peu de vrais sièges de théâtre. « Nous allons intégrer une responsable culturelle qui sera chargée de communiquer autour des actions et des projets, de faire vivre les espaces que nous avons créés et de travailler en relation avec les services », annonce Gilbert Bladinières.