Des jeunes choc pour embellir les docks

Des jeunes choc pour embellir les docks

25 juillet 2018

Agriculture Éducation et formation Jeunesse et sports

Une opération qui vient en aide aux jeunes primo-délinquants, mais aussi aux agriculteurs qui vont bientôt disposer d’un outil ayant bien plus fière allure.

Une opération qui vient en aide aux jeunes primo-délinquants, mais aussi aux agriculteurs qui vont bientôt disposer d’un outil ayant bien plus fière allure.

En partenariat avec la Chambre d’agriculture (CANC), la direction de la Protection judiciaire de l’enfance et de la jeunesse (DPJEJ) organise un chantier éducatif sur le marché de gros de Ducos. Une vingtaine de primo-délinquants repeignent depuis le 16 juillet plus de 10 000 m2 de docks. Objectif, revaloriser ces enfants, avant de les réinsérer.

Il a 15 ans, il rit, semble s’éclater avec son pot de peinture blanche et son pinceau à la main. Pierre-Louis a été exclu du collège de Rivière-Salée, pour avoir agressé un prof. « Comme ça. » Un éducateur pénal le suit depuis, « faut pas faire trop de bêtises ». La peinture, il a déjà pratiqué, « au centre de jour à Nouville », mais de là à en faire son métier… Dans l’immédiat, il aimerait retourner au collège. « Net ! »

Avec Stefano, Brandon, Jean-Luc ou Coco, Pierre-Louis fait partie des vingt jeunes de 14 à 18 ans lancés, depuis le 16 juillet au marché de Ducos, dans un chantier éducatif anti-tags de trois semaines, organisé par la direction de la Protection judiciaire de l’enfance et de la jeunesse (DPJEJ) de la Nouvelle-Calédonie. Objectif, rénover les murs de neuf docks, soit 10 000 m2, après nettoyage au kärcher, rebouchage et masticage des fissures, couche d’apprêt et trois couches de peinture. Le chantier doit durer environ trois semaines. Avec un roulement et un nombre de jours de travail adapté en fonction du profil de chacun.

En juin 2017, une quinzaine de jeunes avaient déjà participé à un chantier expérimental en repeignant les murs extérieurs du musée de Nouvelle-Calédonie (2 500 m2). Un chantier qui, en raison du cœur à l’ouvrage démontré par les “ouvriers”, s’était avéré bien plus rapide que prévu. Et un boulot globalement respecté, depuis, par les tagueurs urbains invétérés.

Un énorme potentiel, souvent caché ou largement oublié

Treize mois plus tard, l’ambitieux chantier, pour lequel le gouvernement a noué un partenariat avec la Chambre d’agriculture de Nouvelle-Calédonie (CANC), se veut de plus grande envergure. Il s’intègre aux projets d’insertion professionnelle déjà menés par la DPJEJ, tels que le nettoyage d’îlots ou des actions de revégétalisation, et s’inscrit dans le Plan territorial de sécurité et de prévention de la délinquance 2018-2022, lancé par le gouvernement en début d’année.

Trois semaines c’est long, alors la période de maturation a elle aussi été conséquente, notamment avec les familles. « On prépare les jeunes de manière à ce qu’ils arrivent sur le chantier dans les meilleures conditions, explique Loïc, éducateur à la DPJEJ, l’un des quatre à encadrer  au quotidien les peintres en herbe. C’est aussi un moment où on fait le point sur leur situation, leur scolarité, les possibilités de formation… ». La plupart sont des primo-délinquants. « L’idée est de leur faire prendre conscience dès le début de la gravité des faits qu’ils ont commis, afin qu’ils ne recommencent pas. » Les mesures d’alternative aux poursuites, les seules à ne pas laisser de traces sur un casier judiciaire, représentent une manière souvent efficace d’y parvenir.

« Ce type de chantier éducatif est vecteur d’insertion sociale et professionnelle, insiste Christiane Tetu-Wolff, directrice de la DPJEJ. Il ne s’agit pas simplement de leur donner les premiers gestes techniques, mais bien d’aider des jeunes en déficit d’estime de soi à se sentir valorisés. Le premier jour, ils gardent la tête baissée, ils n’ont pas envie de discuter, mais dès le deuxième les visages commencent à s’illuminer, et au fil des jours ils intègrent qu’ils sont capables de bien faire, d’arriver à l’heure, de mettre des chaussures, de respecter les consignes données. Ils ont souvent un énorme potentiel, mais souvent caché, ou largement oublié, car jamais personne ne les félicite. Pourtant, quand on leur inculque cette valeur travail, à travers un accompagnement judiciaire de proximité, eh bien ça marche ! ».

La délinquance n’est pas une fatalité

Membre du gouvernement notamment en charge de la protection judiciaire de l’enfance et de la jeunesse, Christopher Gygès se réjouit d’un projet qui associe gouvernement, CANC et professionnels du secteur. « Notre souhait ne consiste pas seulement à faire repeindre des murs par des gosses qui ont fait des bêtises, mais à les accompagner pour qu’ils puissent prochainement intégrer le centre d’apprentissage de la Chambre d’agriculture et à terme travailler sur une exploitation agricole. Alors là, on aura vraiment réussi notre opération et prouvé que la délinquance n’est pas une fatalité. » Président de la CANC, Gérard Pasco ne pense pas autre chose : « Pourquoi pas les faire entrer dans notre circuit, pour qu’un jour eux aussi deviennent des chefs d’exploitation ? On a besoin des jeunes, il faut leur donner une nouvelle chance ».

En juillet 2017, à l’issue du chantier du musée, certains adolescents ont rejoint le centre d’apprentissage de la Chambre de métiers et de l’artisanat. D’autres, ex-décrocheurs scolaires, ont repris leur scolarité. Et trois, suivis judiciairement, se sont engagés dans une vraie démarche d’insertion professionnelle et ont depuis décroché un emploi. « Ils nous ont demandé de revenir travailler avec nous sur le chantier du marché de Ducos  !, confie la directrice de la DPJEJ en souriant. Mais non, terminé les gars, maintenant vous avez un vrai boulot, et vous allez le garder ! ».

 

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Membres du gouvernement, directrice de la DPJEJ, président, directeur et trésorière de la CANC en visite sur le chantier.

 

 

 

Plus de 10 000 m2 de murs à rénover…

Plus de 10 000 m2 de murs à rénover…

 

Un public diversifié

La vingtaine de jeunes engagés dans le chantier présentent différents profils :

- ils sont inscrits dans des ateliers de jours de la DPJEJ, sur décision judiciaire ;

- ils séjournent dans des établissements de placement éducatif, sur décision judiciaire ;

- ils effectuent des mesures de réparation pénale en lien avec le délit commis ;

- ils se trouvent en milieu ouvert (chez eux, en famille) ou viennent de sortir de détention ;

- ils sont pris en charge dans le cadre de la prévention de la déscolarisation (en partenariat avec le vice-rectorat) ;

- ils sont incarcérés et bénéficient pour le chantier d’un aménagement de peine à la journée.

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« Que du bonheur ! »

Gérée par la Chambre d’agriculture avec les différents opérateurs économiques présents, la halle de Ducos abrite le marché de gros et le marché broussard. Ce lieu a pour mission de favoriser l’écoulement et la commercialisation des fruits, légumes et produits vivriers locaux sur le Grand Nouméa. « Lorsque nous l’avons visité il y a deux ans, il y avait des trous dans le coaltar, c’était tagué de partout, un véritable dépotoir ! La Chambre ne pouvait plus travailler dignement, aucun producteur calédonien n’avait envie de venir ici le week-end, les clients non plus », se souvient Nicolas Metzdorf, membre du gouvernement notamment en charge de l’agriculture. Alors, en 2017, la collectivité a alloué une enveloppe de 100 millions de francs pour la rénovation du marché de Ducos : revêtement du sol et peinture de la halle, clôture périphérique, réhabilitation des réseaux (eau, électricité et assainissement), etc. « Grâce à l’aide du gouvernement, ce marché est devenu un endroit incontournable, s’enthousiasme Claudine Verger, trésorière de la CANC. Aujourd’hui, on a un gardien, on travaille dans de bonnes conditions d’hygiène et de sécurité, dans un lieu magnifique. Il y a même des touristes ! C’est que du bonheur ! »

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