Wolbachia, nouvelle arme contre la dengue

Wolbachia, nouvelle arme contre la dengue

06 mars 2018

Santé et social

De gauche à droite, Vincent Richard  (Institut Pasteur), Tristan Derycke (Ville de Nouméa), Valentine Eurisouké (gouvernement) et Cameron Simmons (Monash University).

De gauche à droite, Vincent Richard (Institut Pasteur), Tristan Derycke (Ville de Nouméa), Valentine Eurisouké (gouvernement) et Cameron Simmons (Monash University).

La DASS-NC, la Ville de Nouméa, l’Institut Pasteur de Nouvelle-Calédonie (IPNC) et l’université de Monash, à Melbourne, ont signé ce lundi 5 mars une convention quadripartite sur la mise en œuvre à Nouméa du Programme mondial de lutte contre les moustiques. Il prévoit d’infecter la population d’Aedes aegypti par la bactérie dite “Wolbachia”, afin de mieux protéger les populations contre la dengue, le chikungunya et le zika. 

Développée par une équipe de l'université de Monash (Melbourne), cette stratégie de lutte contre les arboviroses (dengue, chikungunya, zika) vise à infecter les moustiques Aedes aegypti par la bactérie symbiotique Wolbachia qui a la particularité de bloquer leur capacité à transmettre des arbovirus.

La méthode est appliquée à grande échelle depuis sept ans en Australie, plus récemment au Brésil, en Colombie, en Indonésie et au Vietnam, avec des résultats encourageants. Les observations sur le terrain ont en effet démontré une réduction significative de la transmission de la dengue dans les zones où Wolbachia a été introduite.

Ne présentant pas de danger connu pour l'homme et les autres mammifères, Wolbachia se trouve naturellement dans environ 60 % des espèces d'insectes à travers le monde : papillons, libellules, certains moustiques… mais pas Aedes aegypti. Il s’agit donc d’introduire, par étapes et dans une zone prédéfinie, un certain nombre d’Aedes aegypti porteurs de la bactérie au cœur des populations sauvages. Ils iront ensuite se reproduire avec les moustiques locaux et transmettre Wolbachia à leur progéniture. Après quelques mois, la majorité des insectes porteront la bactérie et la propageront d'eux-mêmes.

Un partenariat “historique”

De quoi donner des idées à la Ville de Nouméa, laquelle a décidé de réduire les quantités de pesticides utilisées et de tester cette méthode pour améliorer la sécurité sanitaire. Avec la DASS-NC et l’IPNC, elle a rencontré les chercheurs du « World Mosquito Program » (WMP), anciennement dénommé « Eliminate Dengue », afin d’adapter Wolbachia à la capitale calédonienne, laquelle devient le onzième partenaire de l’université australienne et rejoint des pays comme Fidji, Vanuatu et Kiribati.

« Cette signature est ni plus ni moins historique, s’enthousiasme Tristan Derycke, adjoint au maire de Nouméa pour la prévention des risques sanitaires. Combattre des arboviroses avec un procédé totalement écologique, dans un premier temps à Nouméa puis, on l’espère, sur l’ensemble de la Nouvelle-Calédonie, représente une avancée gigantesque ! ».

Membre du gouvernement notamment en charge de la santé, Valentine Eurisouké rappelle que la Nouvelle-Calédonie, qui dispose depuis 2016 d’un siège au comité régional du Pacifique occidental de l’OMS, « a fait de la lutte contre les arboviroses, véritable fléau pour les îles du Pacifique, une priorité de santé publique ». L’épidémie de dengue de 2017 a fait 11 victimes et nécessité l’hospitalisation de 600 personnes. Celle de 2013 avait coûté 1,6 milliard de francs à la collectivité.  Coûts humain et financier qu’il convient de diminuer.

Pour mener à bien ce programme, doté d’un budget total de 204 millions de francs, un groupe projet d'une vingtaine de personnes sera constitué.

Un grand travail de communication auprès de la population

Chacun des partenaires apporte des ressources financières, son expertise ou du personnel. Outre les bureaux – anciens locaux des laboratoires du CHT Gaston-Bourret, à proximité du pôle entomologie de la DASS –, la Nouvelle-Calédonie fournira au projet un épidémiologiste et un entomologiste à mi-temps, ainsi qu’un chargé des bases de données et de la cartographie. Son apport financier comprend également le recrutement de deux chargés de communication ainsi que la mise en œuvre d’outils de communication.

« Ce projet de prévention, très ambitieux, va nécessiter une grande campagne de sensibilisation auprès de la population », prévient en effet Valentine Eurisouké. « Nous n’interviendrons qu’avec l’appui sans réserve de la population, confirme le professeur Cameron Simmons, directeur de l’Institut des maladies vectorielles à Monash University. Pas question de travailler contre son avis, et de commencer avant que tout le monde soit prêt ».

« À travers ce projet, nous sommes complètement dans la dynamique du plan Do Kamo, se réjouit quant à lui Vincent Richard, directeur de l’Institut Pasteur de Nouvelle-Calédonie. Dans environ neuf mois, les premiers moustiques auront été infectés par Wolbachia ». Résolument optimiste, Tristan Derycke se projette : « La signature de la convention est le point de départ d’un projet qui devrait voir la dengue disparaître de Nouméa d’ici deux ans ». On croise les doigts…

Les quatre partenaires

- Direction des Affaires sanitaires et sociales de la Nouvelle-Calédonie (DASS-NC), qui gère notamment l’élaboration et l’animation des programmes de prévention et de lutte contre les arboviroses, et l’organisation de la lutte anti-vectorielle ;

- Ville de Nouméa, à travers sa direction des Risques sanitaires (DRS) notamment en charge de la lutte anti-vectorielle ;

- Institut Pasteur de Nouvelle-Calédonie (IPNC), qui possède une expertise reconnue dans les domaines de l'entomologie médicale et de l'arbovirologie ;

- Université de Monash, à Melbourne, qui mène le WMP, une collaboration internationale de recherche à but non lucratif.

L’aide du Fonds Pacifique

Lors du récent comité directeur du Fonds Pacifique, présidé pour deux ans par Philippe Germain, une enveloppe de 45 000 euros (5,370 millions de francs) a été attribuée au projet Wolbachia. Inscrit au budget du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères, le Fonds Pacifique est destiné à favoriser l'intégration régionale des territoires français du Pacifique en participant aux actions régionales de coopération avec les pays de la région. Cette année, l'une des priorités concernait la sécurité sanitaire.

 

 

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