Montée en puissance du photovoltaïque
Les objectifs de production photovoltaïque fixés à l’horizon 2020 ont été atteints dès le premier trimestre 2018 ! Raison pour laquelle le gouvernement a décidé cette semaine d’autoriser l’injection de 30 MW supplémentaires dans le réseau. D’ici deux ans, la production d’électricité d’origine solaire devrait frôler les 100 MW. Les professionnels de la filière s’en félicitent.
« La Nouvelle-Calédonie est allée beaucoup plus vite qu’elle ne le pensait, se réjouit Nicolas Metzdorf, membre du gouvernement notamment en charge de l’énergie. Grâce au soleil et à la volonté commune des services du gouvernement et des entreprises, la filière photovoltaïque a pris son essor, et une véritable petite révolution verte est en marche. D’ici à 2021, près de 40 % de la distribution publique d’électricité proviendra des énergies renouvelables. Pourtant on partait de loin, avec deux centrales au fioul, à Doniambo et Népoui ». Effondrement des coûts d’investissement, baisse des tarifs eu égard à la trentaine d’entreprises qui se sont lancées en deux ans et donc à la forte concurrence du marché, création d’une centaine d’emplois, l’année 2017 aura marqué le véritable décollage de la filière photovoltaïque.
Tout a vraiment commencé en juin 2016, avec l’adoption par le Congrès du Schéma pour la transition énergétique de la Nouvelle-Calédonie qui a tracé une feuille de route et fixé des objectifs parmi lesquels atteindre « une production de source renouvelable représentant 100 % de la consommation d’électricité de la distribution publique d’ici à 2030 ». Trois mois plus tard, le gouvernement adoptait, filière par filière, une programmation pluriannuelle des investissements de production électrique (PPI) sur la période 2016-2030.
Lifou, l’exemple à suivre
En matière de centrales au sol, la PPI prévoyait une puissance cumulée de 62 MW d’ici à 2020 : 37 MW pour des projets sans stockage d’énergie, 25 MW avec stockage. Mais les dix autorisations d’exploiter octroyées par le gouvernement en avril 2017 et les deux autres (Boulouparis et Moindou) en mars 2018, ont permis d’atteindre l’objectif de la PPI avec deux ans d’avance. Qui plus est, avec des tarifs de plus en plus compétitifs (13 F, puis 9,80 F le kWh. Autant d’installations qui, une fois en activité, augmenteront le taux d’autosuffisance électrique de la Grande-Terre, de 21 % en 2016 à 31,4 %.
Les Loyauté n’auront pas été en reste, notamment Lifou qui pourrait devenir autonome sur le plan énergétique à l’horizon 2020, grâce en particulier aux six centrales photovoltaïques dont le gouvernement a autorisé l’exploitation en octobre 2016 et mars 2017.
Les centrales sur toiture en pleine expansion
Autre volet du programme photovoltaïque, les centrales en autoconsommation installées sur toiture. Particuliers (habitats individuels et collectifs), professionnels, collectivités, tout le monde s’y est mis. Le principe : équiper son toit en panneaux photovoltaïques, auto-consommer sa propre production dans un premier temps tout en réduisant sa facture, puis revendre le surplus sur le réseau. En deux ans, pas moins de 700 autorisations ont été délivrées, ce qui représente aujourd’hui 5,2 MW, et sans doute 10 MW d’ici à la fin 2018, soit l’équivalent d’une grosse ferme. Dernier exemple en date, le FSH dont une résidence de la Vallée-des-Colons vient de se lancer dans l’autoconsommation.
Diminution de la facture énergétique et des émissions de CO2
Avec tous ces indicateurs au vert, et « afin de ne pas empêcher les entreprises de déposer de nouveaux projets et d’éviter ainsi de freiner une filière en plein boom », le gouvernement a décidé cette semaine, à travers trois arrêtés, de réviser la PPI et d’en voter une intermédiaire, de sorte à injecter immédiatement 30 MW supplémentaires dans le réseau. Il a aussi avancé de cinq ans les objectifs précédents. Concrètement, on ne vise plus 62, mais bien 100 MW d’ici à deux ans. Une montée en puissance qui aurait pour effet de faire passer l’autonomie de la distribution publique de 31,4 % à 36,5 % en 2021, d’éviter l’émission d’environ 32 000 tonnes de CO2 par an, et d’économiser en moyenne près de 300 millions de francs par an. « On se prémunit ainsi contre l’augmentation des coûts des combustibles fossiles et la possible explosion du prix du baril de pétrole », indique Victor Alonso, directeur de la Dimenc.
Le gouvernement a également voulu apporter de la transparence sur la manière dont les choix étaient opérés, en instituant une formule de notation des projets à partir d’un certain nombre de critères objectifs. Enfin, il a adopté un nouveau dispositif par lequel entreprises et collectivités peuvent produire de d’électricité ou louer la toiture de leurs bâtiments pour des installations de 36 à 250 kWc, et avec un tarif d’achat de 17 francs le kWh. Ce qui, là aussi, représenterait des gains substantiels – 7,7 millions de francs en moyenne par an sur la durée des contrats d’achat – et une réduction annuelle des émissions de CO2 de 2 800 tonnes.
Ne pas tout miser sur le solaire
Le dynamisme du photovoltaïque ne doit pas occulter les autres sources d’énergie renouvelable. D’autant que la production, “intermittente”, dépend de l’ensoleillement, même si le stockage en batterie de l’énergie produite permet de lisser l’approvisionnement. Il s’agit donc de privilégier le mix énergétique, avec l’éolien (60 % de production le jour, 40 % la nuit), l’hydroélectrique, le solaire thermique, la biomasse (quelques projets dans les cartons), la géothermie et même les énergies renouvelables marines (études en cours). Concrètement, une ferme éolienne de 20 MW est en construction à Yaté, pour une ouverture prévue fin 2019-début 2020. Fin janvier, le gouvernement a par ailleurs autorisé la société HydroPaalo à exploiter une centrale au fil de l’eau de 3 MW sur la rivière We Paalo à Pouébo. Les travaux (18 mois) devraient démarrer ces jours-ci. Moins contraignante sur le plan socio-environnemental qu’une centrale avec barrage, elle fournira un retour d’expérience essentiel pour l’avenir d’autres éventuelles centrales sur la côte est.
Réactions
- Xavier Botrel, président du cluster Synergie : « Dans la région, notre approche est spécifique. Elle consiste d’abord à chercher à éviter de consommer, puis à produire, alors que chez les Anglo-Saxons on consomme d’abord, et on produit en conséquence. Un système très coûteux, le nôtre est beaucoup plus glorieux. Nous avons pris un peu de retard il y a quelques années, regardant les autres pays essuyer les plâtres. Aujourd’hui, nous n’avons pas à rougir de notre technologie, elle fonctionne bien. La Nouvelle-Calédonie peut apporter de grandes idées, son expertise commence à être reconnue. »
- Christophe Lapous, directeur d’Alizés Énergie et membre de Synergie : « En 2009, les acteurs de la filière n’avaient aucune visibilité. Avec les arrêtés adoptés mardi par le gouvernement, ils l’ont : 100 MW d’ici deux ans, un tarif entre 9 et 13 F le kWh, une diminution de la facture énergétique du pays de 300 millions par an… Aujourd’hui, on peut accélérer à tous les niveaux. »
Synergie, un cluster qui porte bien son nom
Le cluster Synergie, qui regroupe aujourd’hui 44 membres, concurrents mais solidaires, plus les deux concessionnaires Enercal et EEC, est né en 2009. Sur son Livre blanc rédigé en 2012, il misait sur une production de 50 MW d’ici à 2030. On aura atteint le double dans deux ans ! Synergie s’occupe aussi de maîtrise de l’énergie, d’éco-mobilité et de solaire thermique (solaire qui produit de l’eau chaude, et non de l’électricité). La grappe représente plus de 10 milliards de chiffre d’affaires (hors Enercal et EEC) et quelque 1 000 emplois directs.
Renouvelable et centrale au gaz
La future centrale de Doniambo et celles produisant de l’énergie renouvelable seront complémentaires. « Lorsque la production de renouvelable excédera les besoins, la centrale à gaz devra réduire son régime. En parallèle, pour ne pas perdre ce surplus, on utilisera à notre avantage les gros consommateurs que sont les métallurgistes, en leur proposant sur la base d’un accord cadre de consommer cette électricité. Ce qui nous offrira des débouchés complémentaires, explique Victor Alonso, directeur de la Dimenc. À d’autres moments, à l’inverse, la centrale à gaz fonctionnera au-delà des besoins de la SLN. D’une manière générale, le renouvelable aura la priorité, et la centrale à gaz, tout en s’adaptant aux creux et aux pics du photovoltaïque, assurera une stabilité au réseau ».