Une politique de l’eau en partage
Une politique de l’eau en partage
19 octobre 2018
Environnement et énergie Aménagement du territoire Agriculture
L’eau est notre bien le plus précieux. Sa présence semble une évidence, mais il n’en est rien. Le Forum H2O, en avril, avait permis de mettre au jour les innombrables défis à relever pour la protéger et en sécuriser l’approvisionnement. Le 17 octobre, les membres du gouvernement Nicolas Metzdorf et Didier Poidyaliwane sont revenus devant tous les acteurs concernés avec un plan stratégique ambitieux.
« Chose promise, chose due ! » Six mois jour pour jour après le Forum H2O, les membres du gouvernement Nicolas Metzdorf et Didier Poidyaliwane étaient au rendez-vous. À la Communauté du Pacifique, là où se sont déroulés les premiers travaux en avril, là où plus de 300 personnes ont dessiné trois jours durant les premières priorités, ils ont présenté les prémices d’une « politique partagée de l’eau » (PEP).
Au cours de ces six derniers mois, la Mission interservices de l’eau (MISE) a été lancée, groupe de travail transverse aux communes, provinces, gouvernement et monde coutumier. Six rencontres ont été menées sur le terrain avec plus de 150 acteurs, à Boulouparis, Houaïlou, Kaala-Gomen, Hienghène, Mont-Dore et Lifou. Plus de vingt ateliers ont permis à 50 techniciens de plancher sur les orientations stratégiques et un plan d’actions opérationnel. Le tout suivi par un comité directeur, pour les validations techniques, et un comité de pilotage, instance politique interinstitutionnelle, réunis par huit fois. Un travail colossal salué par les deux membres de l’exécutif et dont les grands axes ont été présentés ce 17 octobre.
« Une obligation morale et civique »
Dans un discours solennel, Didier Poidyaliwane, membre du gouvernement en charge de l’écologie, du développement durable et des affaires coutumières, a replacé ce travail dans le contexte mondial des « crises climatique, énergétique, sanitaire, alimentaire et hydrique », où domine « la nécessité de produire plus et partager peu ». En Nouvelle-Calédonie autant qu’ailleurs, « nous avons une responsabilité politique d’assurer et sécuriser la disponibilité de l’eau partout et pour tous », a-t-il déclaré. « Ce sujet doit rassembler bien au-delà des échéances politiques, c’est une obligation morale et civique », a appuyé le membre du gouvernement, soucieux aussi « que les mentalités évoluent, que nos concitoyens deviennent des éco‑citoyens responsables ». Et d’inviter à « construire une hydrodiplomatie », à l’échelle du Pacifique, mais aussi sur nos propres terres, pour faire de l’eau notre cause commune, avec deux priorités : « la protection des périmètres de captage et la lutte contre les espèces envahissantes ». Le ciment de ces objectifs ? « Une reconnexion à la nature ».
7 % de la population sans eau potable
Nicolas Metzdorf, en charge de la politique de l’eau et de l’agriculture au gouvernement, a choisi l’anecdote pour illustrer l’urgence à agir, évoquant ses jeux d’enfant dans la rivière Moindah, sur la propriété familiale de Poya. « On sautait du pont et on faisait des bombes, et puis on plongeait pour aller piquer des mulets. » Aujourd’hui, « il n’y a plus d’eau dans la Moindah. » Ce constat, ajouté aux besoins grandissants de l’agriculture l’ont amené à s’emparer du sujet. « Et puis on gratte, poursuit-il, et on remarque qu’il y a bien 600 km de rivières engravées, qu’il manque bien 20 millions de mètres cubes d’eau pour l’agriculture, mais on voit aussi que 40 % de la population de la côte Est n’a pas accès à de l’eau traitée, 7 % de la population calédonienne n’a pas accès à l’eau potable et un tiers des unités de production ne subissent aucun traitement. » La conclusion est claire comme de l’eau de roche : « On a un plan santé, un plan agricole, un plan tourisme, on a même un plan économie numérique ! Par contre, l’eau, on a l’impression qu’elle sera toujours là. Eh bien en fait, non. Et si on ne se bouge pas les fesses maintenant, on va avoir de gros soucis. »
Six objectifs stratégiques, 708 actions
La mobilisation a bel et bien commencé. Et pour en témoigner, Gérard Fallon, directeur des Affaires vétérinaires, alimentaires et rurales de la Nouvelle-Calédonie (DAVAR), une des chevilles ouvrières techniques du plan, en a présenté son mode d’élaboration. À partir des grands défis posés au Forum H2O (santé, économie, nature) ont été définis six objectifs stratégiques, le premier d’entre eux étant la protection des ressources en eau (lire plus bas). Ces objectifs politiques sont accompagnés d’objectifs transverses, relatifs au cadre juridique, à la fiabilité des données ou aux compétences (lire plus bas). De ces grandes lignes de force découle une arborescence de plus de 220 objectifs opérationnels, donnant lieu à plus de 700 actions !
Avant d’entamer les prochaines étapes, juridique et de gouvernance, les parties prenantes ont scellé leur engagement à travers la signature d’un mémorandum. Pour Didier Poidyaliwane, il s’agit d’« assurer nos concitoyens et nos administrés de notre volonté politique à travers la signature d'une déclaration commune illustrant la conscientisation du diagnostic et la détermination de l'ensemble des acteurs à améliorer durablement la gestion de l'eau. »
Les prochaines étapes
Le plan d’actions partagé présenté ce 17 octobre sera enrichi des remarques qui ont été formulées par les acteurs de l’eau tout au long de la journée. La MISE portera le document d’orientation stratégique final au Congrès de la Nouvelle-Calédonie. Dès lors que ces orientations auront été approuvées par les élus, différents modèles économiques et de gouvernance seront étudiés pour conduire à bien cette politique. De façon à ne pas perdre de temps, c’est la MISE, encadrée par une délibération, qui lancera la mise en œuvre de cette politique, avec les moyens financiers et humains existants.
Six objectifs stratégiques
- Sanctuariser les zones de captage et les ressources stratégiques, préserver nos milieux
- Fournir 150 litres par jour d’eau potable à tous les Calédoniens à échéance 2025
- Sensibiliser, communiquer, informer, éduquer, former : faire de tous les Calédoniens des hydro-éco-citoyens
- S’orienter vers le « zéro-rejet d’eau non traitée » à échéance 2045
- Mettre l’eau au centre de tous les projets d’aménagement à échéance 2025
- Mieux maîtriser l’eau pour augmenter la production agricole locale et parvenir à un taux de couverture alimentaire de 50 % à échéance 2030.
Des objectifs « transverses »
- Mettre en place un cadre juridique et une police adaptés à une politique de l’eau efficace – plan « loi sur l’eau 2021 » :
▶ définir les principes et régimes juridiques généraux de la politique de l’eau,
▶ compléter ou préciser les règles applicables au domaine public fluvial,
▶ définir les normes relatives à l’eau pour protéger les ressources, les personnes et les milieux,
▶ réglementer les usages et les aménagements pour protéger les ressources, les personnes et les milieux,
▶ organiser l’action de la police de l’eau et des milieux aquatiques,
▶ préciser le cadre juridique de la collecte, du traitement et de la diffusion des données publiques et privées sur l’eau.
- Améliorer les connaissances pour mieux protéger, préserver, planifier, piloter – plan « data eau 2021 » :
▶ disposer d’un état des lieux sur les ressources et milieux aquatiques,
▶ fixer les référentiels des états et objectifs de référence, les indicateurs de suivi,
▶ définir les normes et standards des plans de surveillance et des indicateurs de performance,
▶ produire les données nécessaires à la planification et aux prises de décision,
▶ partager les connaissances, organiser la collecte et la mise à disposition des données.
- Développer les compétences de tous les acteurs de l’eau pour une meilleure performance – plan « Compétence eau 2023 » :
▶ établir un état des lieux des compétences « Eau NC » et en déduire les besoins,
▶ développer des outils pour le renforcement des compétences,
▶ élaborer un plan de développement des compétences,
▶ mettre en place et suivre des plans de formation.