Point de départ d’une réforme durable du système de santé calédonien
Le Ruamm a fait l'objet d’une conférence, proposée par Yannick Slamet, porte-parole du gouvernement chargé notamment du budget, des finances et de la santé, le jeudi 17 mars. L’objectif : dresser un état des lieux précis et annoncer le cap de l’exécutif calédonien pour les mois à venir.
Redresser le résultat comptable annuel, apurer de manière échelonnée la dette cumulée du Ruamm et éviter les ruptures de trésorerie pénalisant le fonctionnement des hôpitaux : c’est le but que s’est fixé l’exécutif calédonien. « Il s’agit d’un sujet passionnant, à défaut d’être facile », a annoncé Yannick Slamet, porte-parole du gouvernement chargé notamment du suivi des comptes sociaux et du plan Do Kamo, lors de son discours d’ouverture de la conférence Ruamm, le jeudi 17 mars. Une rencontre organisée au centre culturel Tjibaou avec et pour tous les acteurs concernés par le Régime unitaire d’assurance-maladie maternité (Ruamm), afin de « donner l’opportunité à chacun de disposer des mêmes données pour participer au débat et statuer en tout état de cause », a indiqué Yannick Slamet. Le président Louis Mapou a saisi l’occasion pour annoncer que cette conférence marquait « le point de départ d’un réel changement de modèle ». Il a insisté sur « l’urgence » de la situation avant d’ajouter : « Je souhaite mettre en place dès le mois d’avril, certaines mesures évoquées aujourd’hui. »
Un déficit structurel
Depuis sa création, le régime du Ruamm accuse des déficits chroniques qui ne trouvent pas de solutions malgré plusieurs plans de redressement. En 2021, comme chaque année, les recettes constatées en baisse en raison du contexte économique et sanitaire, complétées des subventions de la Nouvelle-Calédonie et de l’agence sanitaire et sociale de la Nouvelle-Calédonie, n’ont pas été suffisantes pour couvrir la totalité des dépenses auxquelles doit faire face le régime, laissant les dépenses hors dotation globale de fonctionnement des hôpitaux impayées. La dette se creuse ainsi. Parallèlement, le besoin prévisionnel de trésorerie de l’année 2022 du Ruamm affiche un manque de ressources de 5,1 milliards de francs, en dépit des 10 milliards de francs de contribution publique prévue dans le projet de budget primitif de la collectivité. Pour Xavier Martin, directeur général de la Cafat, le Ruamm est « structurellement déséquilibré ». Ces dernières années, les recettes ne compensent plus l’augmentation naturelle des dépenses, liées à la création de nouvelles infrastructures, à la diversification des professions, à une augmentation des ayant-droits ou au poids de la longue maladie. Par voie de conséquence, les retards de versement du Ruamm ont placé les établissements hospitaliers devant un risque de rupture de trésorerie récurrent. Pour mettre un terme à cette situation intenable « il convient de changer rapidement de paradigme pour sécuriser sa trésorerie de manière pérenne », a conclu Xavier Martin.
Apurement de la dette et équilibre du régime
« Notre objectif est double : nous devons travailler sur l’assainissement des comptes du Ruamm ainsi que sur l’équilibre du régime », a annoncé le porte-parole du gouvernement. Dans le cadre du débat d’orientations budgétaire 2022, le gouvernement s’est engagé à échelonner l’apurement de la dette cumulée du Ruamm à partir de 2023, en assurant en première priorité le paiement de la dette fournisseurs des hôpitaux. Parmi les mesures fiscales et sociales déjà proposées visant à accroître les recettes du Ruamm figurent, l’augmentation de la contribution calédonienne de solidarité (CCS), passée de 1 % à 1,3 % en octobre 2021, l’augmentation du prix du tabac de 10 % depuis le 1er janvier 2022, la modification de l’assiette de cotisations sociales au Ruamm avec notamment le déplafonnement de la tranche 2 et la création programmée d’une taxe sur certains produits contenant du sucre. Une nouvelle version du projet de loi du pays adoptée par le gouvernement en novembre 2021, sera bientôt examinée par le Congrès.
Le gouvernement souhaite mettre un terme au cycle d’endettement public (prêt garanti par l’Etat en 2020, prêt inter-régimes de la Cafat, prêt à taux zéro consenti en 2021, par les établissements publics) qui a permis de traiter les urgences financières liées au régime et obtenir ainsi une trajectoire soutenable en matière de redressement des comptes publics et sociaux.
Mise en œuvre de la réforme structurelle
La stratégie de réforme structurelle du système de santé calédonien envisagée par le gouvernement repose sur la mise en œuvre du Plan de santé calédonien « Do Kamo, Être épanoui ! », adopté en 2018. « Il s’agit d’un outil stratégique très solide, issu d’une concertation qui a duré plusieurs années. L’idée est de l’utiliser comme feuille de route pour agir dès aujourd’hui », a expliqué Marie-Hélène Besson, chargée de mission auprès du secrétariat général du gouvernement. L’objectif est de créer une gouvernance coordonnée et participative du système de santé, servie par une autorité indépendante de régulation (AIRe) et structurée par un code de santé publique calédonien. Le tout, épaulé par de nouveaux outils. « Jusqu’à présent, il n’existait pas d’outils permettant d’observer et d’évaluer précisément les dépenses de prévention, et les dépenses d’assurance maladie. Or, comment peut-on prévoir les besoins sans évaluer au préalable ? », a souligné Marie-Hélène Besson. La création de l’objectif calédonien d’évolution des dépenses d’assurance maladie (Océam) et de l’objectif calédonien d’évolution des dépenses de prévention (Ocep) doit permettre de donner une vision précise de chaque ligne de dépense de santé, afin de mettre en évidence les leviers de régulation.
Les premiers textes de cette réforme seront examinés début avril, à l’occasion d’une séance des membres du gouvernement, avant d’être soumis aux instances consultatives, ainsi qu’au Congrès, fin avril. Yannick Slamet a également annoncé la mise en place dès le mois d’avril d’un comité stratégique des comptes sociaux permettant d’avoir une approche globale de toute la protection sociale en Nouvelle-Calédonie et de statuer sur les mesures d’économie ou d’optimisation des ressources.
Un plan global de pérennisation du Ruamm
Porté par le président Louis Mapou, et le membre du gouvernement Yannick Slamet, ce plan s’articule autour de sept préoccupations :
1/ Traiter l’urgence financière et apporter le financement complémentaire au Ruamm pour éviter la rupture de paiement du régime en 2022 ;
2/ Sécuriser le budget et la trésorerie des hôpitaux ;
3/ Honorer les engagements pris par la Nouvelle-Calédonie en termes de réformes pour retrouver une trajectoire financière soutenable ;
4/ Réformer le système de santé calédonien (maîtriser les dépenses, combler le déficit structurel du Ruamm, piloter et réguler de manière efficace en garantissant la qualité de l’offre de soins aux Calédoniens) ;
5/ Mettre en œuvre des modalités de financement du Ruamm basées sur un nouveau modèle qui soit financièrement viable, économiquement efficace et socialement juste ;
6/ Appréhender de manière différenciée les arriérés de paiement du Ruamm avec une logique d’apurement échelonné de la dette ;
7/ Développer une stratégie de promotion de la santé et de l’offre de prévention agissant de manière durable sur le comportement des Calédoniens.
Quels participants à la conférence ?
Ouverte par le président du gouvernement Louis Mapou et clôturée par Yannick Slamet, la conférence Ruamm a notamment réuni le membre du gouvernement Mickaël Forest, le président du Congrès Roch Wamytan, la directrice de la Dass Séverine Métillon, le directeur de la Cafat Xavier Martin, la directrice générale adjointe de la Cafat Nathalie Doussy, la directrice de l’Agence sanitaire et sociale Marie-Laure Mestre, Marie-Hélène Besson, chargée de mission au secrétariat général du gouvernement, les acteurs administratifs, les acteurs de la santé, et les organisations salariales et patronales