Un plan "pays" contre la délinquance
Le gouvernement a adopté à l’unanimité le projet de Plan territorial de sécurité et de prévention de la délinquance 2018-2022. Pour la première fois, la Nouvelle-Calédonie va se doter d’une politique de prévention à l’échelle du pays dont l’objectif est d’inverser la courbe de la délinquance et de changer le comportement des Calédoniens face aux conduites à risques.
Il aura fallu un peu plus d’un an de travail au gouvernement et à ses services pour satisfaire la demande des élus du Congrès de bâtir un projet commun de lutte contre l’augmentation des faits de délinquance. La réponse apportée est un plan sur cinq ans qui comprend quatre grandes orientations déclinées en 138 actions, dont une grande partie concerne la jeunesse.
Avec deux fois plus de cambriolages qu’en Métropole, quatre fois plus de morts sur les routes ou encore sept fois plus de violences physiques et sexuelles, « les Calédoniens vivent au quotidien la délinquance qui porte atteinte à la cohésion sociale », a insisté Philippe Germain avant de détailler les grandes lignes du plan porté par le gouvernement.
Mieux coordonner les actions
Sur la méthode tout d’abord. Ce projet est le résultat d’une vaste concertation auprès de l’État, des provinces, des communes, du Sénat coutumier, du CESE* et des associations de maires. Tous les membres du gouvernement, chacun dans leurs secteurs d’animation, ont été sollicités. Au terme de nombreuses rencontres et réunions, les avis et les préconisations ont été pris en compte. « Ce plan s’appuie sur des politiques existantes et doit irriguer l’ensemble de nos politiques publiques à commencer par celles menées par le gouvernement dans les domaines de l'éducation, du sport, de la santé… », a précisé le président du gouvernement.
Il ne s'agit pas de se substituer aux compétences des différents acteurs en matière de sécurité et de prévention. « Son premier pilier est d’améliorer la coordination de nos actions, menées jusqu’alors de manière éparpillée, au travers d’une gouvernance structurée », a poursuivi Philippe Germain. Ainsi, un conseil territorial de sécurité et de prévention de la délinquance, co-présidé par l’État et le gouvernement, doit être créé en vue d’effectuer le bilan du plan chaque année, tandis qu’un conseil restreint, qui réunira mensuellement des coordinateurs désignés au niveau de chaque collectivité, sera chargé « de le faire vivre ».
Changer les mentalités
Le deuxième axe stratégique du projet de Plan territorial de sécurité et de prévention de la délinquance est d’agir sur la trop grande tolérance du corps social face aux addictions et aux conduites à risques. Pour Philippe Germain, « il va falloir créer un "choc" auprès de la population et changer le regard des Calédoniens sur l’alcoolisation massive, le cannabis, la vitesse sur les routes, la violence. Ce "parcours initiatique", qui touche de nombreux jeunes garçons et filles, doit être brisé ». La sensibilisation passera par des campagnes de communication classiques, mais récurrentes, des actions de proximité et des canaux plus adaptés à la jeunesse (lancement d’un site Internet, réseaux sociaux, témoignages d’ambassadeurs, etc.). Tous les moyens publics seront mis à contribution afin de relayer les messages de prévention dans un maximum de lieux.
Un troisième volet entend s’attaquer aux violences et aux addictions en renforçant notamment la réglementation. Une des priorités est de lutter contre la consommation excessive d’alcool, érigée en « grande cause territoriale » (lire l’encadré). Le cannabis et la délinquance routière sont aussi en ligne de mire. « En accord avec les partenaires, le prochain plan de prévention routière sera triennal (2019-2021) pour une plus grande efficacité. Ses enjeux majeurs seront le permis de conduire – 30 % des conducteurs circulent sans – et la lutte contre les conduites addictives au volant », a annoncé Cynthia Ligeard, membre du gouvernement chargée de la sécurité routière. Afin de réduire de manière significative les violences, en particulier intrafamiliales et faites aux femmes, l'objectif sera d’améliorer la prévention et l’accompagnement des victimes.
La jeunesse au centre du dispositif
L'ultime partie du plan, mais pas la moindre, porte sur l’accompagnement de la jeunesse. Une thématique qui concerne de nombreux secteurs du gouvernement : éducation, sport, santé, culture, insertion professionnelle… « Il s'agit d'aider les jeunes à se construire en vue de réussir leur passage de l’enfance à l’adolescence, puis à l’âge adulte. Pour cela, nous avons mis en concordance les différents plans portés par le gouvernement : Do Kamo pour la santé, le projet éducatif, le service civique calédonien, la stratégie emploi et insertion professionnelle... », a souligné Philippe Germain. Une « approche multisectorielle et transversale » qui a été mise en avant par le vice-président du gouvernement Jean-Louis d’Anglebermes et Valentine Eurisouké, chargée de la santé, de la jeunesse et des sports. Elle doit se traduire par des actions comme la lutte contre le décrochage scolaire, la réforme de l’alternance, un accès facilité aux activités sportives, culturelles et socio-éducatives ou encore le développement de l'inclusion numérique.
La prochaine étape pour le Plan territorial de sécurité et de prévention de la délinquance sera l'examen, par les élus du Congrès, des différents projets de délibération qui en découlent.
* Conseil économique, social et environnemental
La lutte contre les abus d’alcool est engagée
Les élus du Congrès ont adopté le 29 décembre 2017 le vœu relatif à la mise en œuvre d'un plan d'actions contre la consommation excessive d'alcool. Votée dans la foulée, l’augmentation de la fiscalité sur les boissons alcoolisées, effective depuis le début de l'année, en est la première mesure. Mais elle est loin d'être la seule comme l'a rappelé le président du gouvernement. Inclus dans le Plan territorial de sécurité et de prévention de la délinquance, ce vaste programme comprend une vingtaine d'actions comme l'interdiction de la publicité et de la promotion des boissons alcoolisées, la limitation des volumes de vente afin de lutter contre le marché noir ou encore le renforcement des contrôles et des sanctions en cas de vente d'alcool aux mineurs (fermeture administrative pouvant aller jusqu’à trois mois et une amende de 894 000 francs).
Exemples d’actions
- Changer les mentalités :
Feux de brousse : sanctions réparatrices et immédiates : les jeunes impliqués dans des départs de feux devront participer à des opérations de reboisement.
- Lutte contre les violences faites aux femmes
Réalisation de l’enquête nationale VIRAGE : cette étude permettra de faire un état des lieux précis et de connaître les chiffres liés aux violences intrafamiliales. -
- Renfort de l’État :
Installation d’une brigade motorisée et d’une bridage de prévention de la délinquance juvénile à Koné : des mesures confirmées par la lettre du Premier ministre du 3 janvier 2018.
- L’accompagnement de la jeunesse :
Recrutement d’éducateurs sportifs : en contact direct avec les jeunes, ils auront pour mission de transmettre les valeurs du sport et de déceler le potentiel chez des jeunes sportifs.Retrouvez ci-dessous en téléchargement le projet de Plan territorial de sécurité et de prévention de la délinquance qui a été déposé au Congrès.