Des sentinelles contre la violence à l’égard des femmes
Comprendre la violence à l’égard des femmes pour mieux la combattre, tel est l’objectif de la formation organisée par le secteur de la condition féminine du gouvernement, du 10 au 13 octobre. Dispensée par des experts en psychologie, cette semaine a permis à douze Calédoniennes de devenir des ambassadrices capables d’aider les femmes en souffrance de leur entourage.
Selon la dernière enquête menée sur le territoire, une femme sur quatre a subi au moins une fois une agression physique ou sexuelle, une femme sur huit a été victime d’attouchements sexuels, de tentative de viol ou de viol avant l’âge de 15 ans et 22 % des femmes ont subi des brutalités physiques. Abasourdies, effrayées par leur agresseur, ces victimes parfois isolées géographiquement, ne savent vers qui se tourner. Si certaines ont le courage de se rendre au commissariat de police de leur quartier, la majorité préfère se taire ou se confier, souvent longtemps après, à des femmes de leur entourage.
« En première ligne face à ces confidences douloureuses, ces primo-écoutantes – souvent elles aussi victimes de violence au cours de leur vie – sont démunies, indique Rolande Trolue, conseillère à la condition féminine auprès de Déwé Gorodey, membre du gouvernement en charge de la culture, de la condition féminine et de la citoyenneté. C’est pourquoi nous avons décidé d’organiser cette formation à leur intention, afin qu'elles puissent agir efficacement dans leur contexte socioculturel. »
À mi-chemin entre thérapie et formation
Ainsi, après les formations au leadership proposées aux représentantes du monde associatif des trois provinces en 2015 et 2016, le secteur de la condition féminine du gouvernement a mis en place une formation dédiée à la compréhension des violences faites aux femmes. Cinq jours, encadrés par des pointures internationales de la psychologie, pour douze participantes venues des trois provinces (personnes actives au sein de groupes de femmes ou d’associations, agents de la fonction publique ou simples volontaires) dans le but de les transformer en primo-écoutantes outillées pour aider au mieux les femmes victimes de leur entourage.
Loin d’un cours magistral, cette formation s’est basée sur l’apprentissage de techniques et sur le partage d’expériences, en prenant parfois une tournure thérapeutique. « L’objectif de cette formation est double, expliquent les experts. Les soulager de leurs traumatismes personnels pour les aider à devenir de bonnes écoutantes. Et leur apprendre des techniques simples à mettre en œuvre dans leur village, leur tribu, leur quartier, etc. pour créer un climat de confiance qui facilite la parole des victimes. » Pour cela, les formateurs ont utilisé le photo-langage et la génographie. « Des outils facilitateurs de parole pour s’exprimer sur son vécu, sa famille, etc. à travers des images ou des dessins », indiquent les experts. L’utilisation de ces techniques a permis aux participantes d’apprendre à les manier, tout en se libérant de leurs douleurs personnelles.
Un réseau orange
« Les violences faites aux femmes sont des atteintes aux droits fondamentaux de l’être humain, rappelle Rolande Trolue. Elles sont un frein à l’émancipation des femmes et, par ricochet, un frein au développement du pays. Même si elles sont peu visibles, les conséquences de ces violences sont nombreuses : aux plans de la santé, de la famille, de l’économie aussi... Ce genre de formation s'adressera aussi à des hommes volontaires à partir de 2018. »
À terme, ces femmes formées constitueront un réseau orange qui maillera la Nouvelle-Calédonie pour lutter contre les violences et pour porter assistance aux victimes, au plus près du terrain.
Des femmes fortes et engagées
Marlène, de Poya (à gauche sur la photo) :
« Je travaille comme commerciale et je viens de rentrer bénévolement dans le groupe de la province Nord pour aider les femmes en souffrance. Je souhaitais le faire depuis longtemps car j’ai moi-même été une femme battue. À l’époque, personne ne m’a aidée, je m’en suis sortie seule. C’est la raison pour laquelle aujourd’hui, je veux aider celles qui sont dans cette situation. Grâce à cette formation, je me sens prête et je sais comment m’y prendre ! »
Pétronille, de Canala :
« Je suis retraitée, ce qui me permet de m’occuper des associations de femmes de ma région et de participer au dispositif « femme violence » de la province Nord. C’est vrai qu’on a de la force pour aider les femmes en souffrance, on a envie d’être là pour elles, mais des fois on ne sait pas trop comment faire, surtout en Brousse, on est seule au monde… Je suis très contente d’avoir suivi cette formation, j’ai découvert d’autres méthodes que la simple écoute. Je repars armée ! »
Les experts formateurs
- Didier Drieu, professeur en psychopathologie de l’enfance, de l’adolescence et de la famille à l’université de Rouen ;
- Miguel Terradas, psychologue clinicien, professeur à l’université de Sherbrooke au Québec ;
- Almudena Sanahuja, professeur en psychologie et psychopathologie à l’université de Franche-Comté, à Besançon ;
- Albert Wamo, doctorant en psychologie à l’université de Rouen.