Radiographie d’une jeunesse vulnérable
Les résultats d’une étude sur les facteurs déterminants de la délinquance juvénile ont été présentés aux membres du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie lors de la réunion de collégialité du 19 janvier 2022. L’étude est assortie de recommandations concrètes qui seront étudiées lors du prochain conseil territorial de sécurité et de prévention de la délinquance.
Au cœur de l’étude : les facteurs de vulnérabilité de la délinquance juvénile chez les jeunes de 13 ans à 25 ans. Le sujet revêt un intérêt stratégique majeur puisqu’il doit permettre d’orienter les politiques publiques des prochaines années et la mise en œuvre d’actions concrètes. L’objectif : « anticiper l’acte délinquant en identifiant les différents facteurs de risques conduisant au passage à l’acte ».
Cette étude expérimentale a été réalisée en interne en 2020 par une équipe pluridisciplinaire d’agents issus de diverses directions de la Nouvelle-Calédonie – DFPC, SAP, SCRRE, DPJEJ. « Sélectionnés pour leurs spécialités académiques, ils mettent en relief la diversité des compétences mobilisables au sein de l’institution » se réjouit Jena Bouteille, directrice la Protection judiciaire de l’Enfance et de la Jeunesse.
Le rapport répond, en particulier, à plusieurs attentes du plan territorial de sécurité et de prévention de la délinquance 2018-2022 (PTSPD), adopté le 12 mars 2018. Ce plan novateur pour la Nouvelle-Calédonie, aux effets déjà notables, poursuit deux objectifs essentiels : la baisse de la délinquance et le changement de comportement des Calédoniens face aux conduites à risques. Initialement, l’étude devait concerner essentiellement les addictions, mais elle a été recentrée sur les racines de la délinquance juvénile et s’est enrichie d’une analyse comparative des politiques menées dans la région et de recommandations.
Un état des lieux saisissant
Le premier constat de l’étude est qu’il s’agit essentiellement, en Nouvelle-Calédonie, « d’une délinquance d’appropriation, d’opportunité et en réunion ». Par ailleurs, les tendances récentes mettent en lumière quatre aspects : « la délinquance juvénile est souvent combinée à l’usage de l’alcool et de la drogue, elle est plus violente, plus précoce et tend à se féminiser ».
L’étude dresse, par ailleurs, une cartographie des dispositifs qui encadrent la jeunesse et « met en évidence le manque de synergie et l’absence de coordination des politiques publiques en direction des jeunes calédoniens. »
L’analyse de la situation permet notamment de dégager quatre tendances majeures : la délinquance s’accroît, premièrement, si l’organisation sociale est déficiente, c’est-à-dire s’il existe une dégradation du tissu social ; deuxièmement, si les normes et les valeurs ont perdu leur pouvoir de contrainte ; troisièmement, si les opportunités délinquantes sont nombreuses, particulièrement celles qui sont de nature criminelle ; et, quatrièmement, si les instruments d’application des règles sont inefficaces. Paradoxalement, ce sont ceux qui ont été exposés ou témoins de violences qui reproduisent, notamment au moment de l’adolescence, ces formes de violence. Le décrochage scolaire participe également, sans être totalement déterminant, à la mécanique générale. Parallèlement, l’accroissement des inégalités économiques et sociales reste le principal facteur environnemental à l’origine de la délinquance. En outre, la consommation de substances addictives et la poursuite de comportements addictifs fragilisent l’individu, ce qui augmente les risques de passage à l’acte.
Des recommandations pragmatiques
Les auteurs de l’étude proposent plusieurs pistes de recommandations. La priorisation de dix dispositifs jeunesse permettrait notamment d’améliorer la cohérence et la complémentarité des actions. En parallèle, l’analyse critique de certains dispositifs ayant démontré leur efficacité en matière de lutte contre la délinquance des jeunes dans la région, permettrait d’envisager une transposition au contexte calédonien. « L’analyse du modèle néo-zélandais, de loin le plus abouti dans la région, et qui a inspiré bon nombre de ses voisins, nous a permis de mettre en exergue l’efficacité des Police Youth Aids, ces agents de police dédiés à la lutte contre la délinquance juvénile. La Nouvelle-Calédonie a déjà initié un processus visant à apporter sa propre réponse dans ce domaine en s’inspirant des Rangatahi Courts. Il convient à notre avis de le poursuivre. »
Ce chapitre opérationnel est complété par 15 actions destinées à atténuer les effets des principaux facteurs de vulnérabilité de la jeunesse calédonienne. Ces propositions reposent sur la compréhension du climat de violence dans la société et les moyens de le résoudre ; la lutte contre le décrochage scolaire et l’illettrisme ; la construction d’un véritable parcours vers l’emploi ; et la lutte contre les addictions à l’aide d’un dispositif réglementaire plus strict.
Le travail réalisé par le groupe de réflexion a été salué unanimement par les membres du gouvernement présents. « Cette étude constitue un point d’ancrage dans le cadre de la réflexion qui s’ouvre sur l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie, avec une thématique omniprésente dans le quotidien des Calédoniens », a conclu Mickaël Forrest à l’issue de la présentation. Il a été acté que les résultats de l’étude seraient présentés prochainement aux institutions de la Nouvelle-Calédonie et aux associations de maires.
Louis Mapou, Président du gouvernement, a par ailleurs demandé qu’avant la fin de ce premier semestre 2022, un conseil territorial de sécurité et de prévention de la délinquance puisse se réunir afin d’évaluer les recommandations à mettre en œuvre.
Un recul sensible de la délinquance
Si la problématique de la délinquance juvénile reste alarmante, les chiffres sont néanmoins encourageants grâce aux actions du PTSPD et à l’ensemble des efforts qui ont été mutualisés et déployés sur l’ensemble du territoire, notamment par les forces de l’ordre. Les chiffres encore contrastés, peuvent toutefois être considérés comme satisfaisants au regard de la baisse – voire de la stabilité – de certaines infractions telles que le vol de véhicules et les atteintes aux biens.